pochette album Dive Nour Harkati

Premier album pour Nour HARKATI. Fruit d’un rêve d’adolescence et de la ténacité du jeune homme qui, apparemment, n’a jamais dévié d’une ligne directrice claire et unique. Malheureusement pour nous, la rencontre aura lieu sous forme de « phoner » (appel téléphonique et non rencontre de visu). Dommage car c’est toujours plus agréable d’avoir les personnes en face de soi. Mais bon, entretien très sympathique malgré tout.

 

ExtendedPlayer : Bonjour Nour. Pour commencer cette interview, peux-tu rapidement nous donner quelques précisions sur ton parcours musical ?

Nour HARKATI : J’ai quitté mes études en Tunisie il y a trois ans et je suis venu en France pour un projet avec des musiciens français. J’ai alors commencé à me faire des contacts, à jouer dans des petits bars, des petits clubs, même à jouer un peu dans la rue et dans le métro. Et juste après nous avons commencé à enregistrer mon album avec mon label à Montpellier. Cela fin 2012. D’abord une sortie digitale, et aujourd’hui la sortie officielle avec Universal.

 

EP : As-tu commencé jeune à jouer de la musique ? Tu viens d’une famille de musiciens ?

Nour : Exactement. Mon père était violoniste et ma mère était chanteuse de musique tunisienne traditionnelle. Cela m’a vraiment intéressé et donné envie de faire de la musique puis de me mettre à jouer d’un instrument. Vers quinze ans j’ai acheté ma première guitare et j’ai commencé à faire partie de groupes, avec les premiers concerts. Tout cela en Tunisie. Et c’est en écoutant Ben Harper, que cela m’a encore plus donné envie de faire une carrière dans la musique.

 

EP : Justement, ta musique, qui relève plus du folk-rock, est-elle le résultat de toutes ces influences ? Et comment fais-tu la part des « styles » en composant ?

Nour Harkati 5

 

Nour : J’ai beaucoup écouté de musique orientale. Et cela reste comme une influence ne serait-ce que dans ma façon de chanter. On me dit parfois que l’on ressent cela dans mon interprétation. Mais j’ai été beaucoup attiré par la musique américaine, avec Ben Harper, ou des groupes anglais comme Radiohead. Cela m’a donné envie de chanter en anglais et de faire de la musique occidentale pour mon premier projet. Peut-être que dans quelques années je souhaiterai chanter en tunisien. Je reste ouvert à cela, bien sûr.

 

EP : Ta reprise de Moby exclusivement accompagnée à la guitare acoustique, alors qu’à l’origine le titre est très arrangé, démontre ta capacité à assurer tout seul.

Nour : J’aime bien cette chanson, mais qui n’en est pas une de Moby à la base. Elle est d’une chanteuse américaine qui a chanté cela pour la première fois pendant la période de l’esclavage. Je reste ouvert à beaucoup de styles. D’ailleurs pour mon deuxième album ça ne va pas vraiment ressembler à celui-ci. Ça va être un petit peu différent, dans le même univers peut-être, mais plus mature. Avec des paroles beaucoup plus réfléchies, dans le sens où l’écriture en anglais ce n’est pas très facile. J’ai écrit des textes simples pour ce premier album, mais je vais faire plus d’efforts pour proposer quelque chose de plus mature et de plus libre.

 

EP : La petite biographie accompagnant ton album parle d’inspiration entre réel et mystique. Est-ce que c’est le fait de chanter en anglais qui t’as emmené vers le mystique ou est-ce simplement un rapport avec la soul ? Tu parles beaucoup d’eau, de ciel. Et par ailleurs, dans « From Paris To Love », tu as des phrases qui ont l’air de vouloir lorgner du côté de la politique (« … writing a song for your révolution »). Qu’en est-il exactement ?

Nour : Cette chanson précise n’a rien à voir avec la politique. L’album, en général, traite de mon expérience personnelle : comment j’ai quitté mon pays, ma famille, comment je suis venu en France avec rien du tout. Je voulais juste faire de la musique. Alors j’ai plongé dans un monde très vaste, très dur. Cela m’a fait peur au début. ça m’a parfois rendu très triste, parfois très heureux. C’est un mélange de beaucoup d’émotions. Mon album s’appelle « Dive », ce qui veut dire plonge ! Il y a des textes un tout petit peu plus poétiques, abstraits. Je pense que cela n’a rien à voir avec la politique. Je dis que « la révolution est juste dans ma tête ». Je ne parle pas de la révolution tunisienne.

 

Haim @ le Trianon, Paris, 01/03/2014

 

EP : Comme tu viens de le dire, la musique est un  milieu très difficile. Qu’est-ce qui t’a convaincu à persister, à ne pas lâcher le morceau ?

Nour : Au départ, tout simplement mon amour de la musique. Je suis arrivé en France à vingt-trois ans, avec trop d’énergie à donner. Et même si j’ai eu beaucoup peur de la concurrence en France, de la vie quotidienne aussi, l’amour de la musique a suffi à préserver tous mes espoirs. Mais les gens que j’ai rencontrés ont aussi vraiment contribué à m’encourager, en me disant que j’avais quelque chose, que je pouvais continuer.

 

EP : J’imagine qu’aujourd’hui tu es satisfait d’avoir tenu le cap ?

Nour : Bien sûr. Je me dis que j’ai bien fait de ne pas avoir reculé. Je suis très content d’en être là. Je compte avancer encore. Et je suis très excité par la sortie de l’album. Très stressé aussi. Mais quand je vois le résultat je suis très heureux d’avoir maintenu le cap, d’avoir suivi mon intuition.

 

EP : Tu as déjà tourné un peu en Norvège, et en Scandinavie aussi. J’imagine que ce genre de choses t’encourage aussi à continuer ?

Nour : La première fois que je suis parti en Norvège, en 2013, nous avons fait cinq concerts qui ont été très bien. Je me suis fait pas mal de contacts à ces occasions. Je suis revenu ensuite en 2014, en Scandinavie pour la sortie de l’album, qui est effectivement déjà sorti là-bas, car ils le souhaitaient.

 

EP : Chanter en anglais ouvre des portes au niveau des frontières. Il y a d’autres pays où tu aimerais te rendre pour jouer ?

Nour : Oui, bien sûr. Déjà j’aimerais bien visiter l’Angleterre, plus spécialement Londres évidemment, où beaucoup de choses m’attirent. Il y a les Etats-Unis, où j’aimerais faire mon troisième album. Aussi le Canada, l’Australie. Je suis très ouvert. J’ai vraiment envie d’aller jouer dans beaucoup de pays. Comme tu dis, d’emblée, chanter en anglais ouvre beaucoup de portes. Cela encourage les gens à t’écouter. Malheureusement quelque part, mais d’un autre côté, tout le monde peut t’écouter je pense.

 

EP : Souvent on pense qu’il est très dommage que de moins en moins d’artistes s’expriment dans la langue de leur pays, car au final le public de ce pays n’a plus si facilement accès aux textes de leurs chansons. C’est encore plus dommageable lorsque l’accent est mauvais, ce qui n’est pas ton cas. Tu comptes chanter en anglais aussi sur le prochain album ?

Nour : Franchement je ne sais pas encore. Mais normalement je vais chanter en anglais parce que c’est une langue que je maîtrise pas mal pour l’instant. J’aime cette langue. Il y a une différence entre l’identité nationale et l’identité musicale. Ce n’est pas parce que je suis tunisien, africain, que je dois chanter en tunisien, sans pour autant renier mes origines. Je ne néglige pas cela. J’aime mon pays, j’aime ma langue. Mais je trouve que l’anglais, pour la musique, passe très bien, très très bien. C’est une langue très musicale. Je sais que plus tard, peut-être bien plus tard, je ferai de toute manière quelque chose en tunisien. Cela me ferait plaisir. Pour les tunisiens et pour moi. Jusqu’ici, je n’ai presque jamais chanté en tunisien. Quand je chante en anglais je suis très à l’aise. A aucun moment je n’ai l’impression de me forcer à chanter dans cette langue. Même mon accent n’est pas marqué. J’aime beaucoup cette langue. Elle m’intéresse.

 

Nour Harkati 2

 

EP : C’est toi qui compose et qui écrit ?

Nour : Oui. Je fais les mélodies et j’écris. Ensuite, pour l’enregistrement de l’album, les musiciens ont aussi ajouté leurs idées et je les remercie pour ça. Mais principalement, oui, j’écris les textes et je compose la mélodie.

 

EP : Il y a effectivement un super travail de mise en ambiances sonores avec les arrangements, mais on sent que les chansons pourraient très bien être interprétées juste en formule voix-guitare. Est-ce que tu donnes des indices à tes musiciens ou les laisses-tu libres de toute proposition ?

Nour : Moi j’ai principalement élaboré le squelette des chansons, les mélodies et les textes, ainsi que des guitares. Mais j’aime laisser un peu d’espace aux musiciens qui doivent aussi s’exprimer. Je n’ai pas envie de leur donner la partition de ce qu’ils doivent faire. Je ne suis pas un chef d’orchestre. Ces musiciens sont très compétents. Ils disposent de côtés artistiques que moi je n’ai pas. J’aimerais un jour pouvoir m’exprimer comme eux, avec un niveau aussi élevé. Du coup ils ont enregistré en étant très à l’aise, et cela m’a beaucoup fait plaisir en fait. C’est une collaboration.

 

EP : Et lorsque tu parles d’aller enregistrer aux Etats-Unis ou ailleurs, il y a l’ambition de rencontrer des musiciens précis ?

Nour : Oui. Tout d’abord déjà pour découvrir d’autres univers. Ce que j’aime à chaque fois que je voyage. De nouveaux sons, de nouveaux artistes, m’ouvrir à d’autres styles musicaux et jouer avec des musiciens d’autres cultures. Mon but est de pouvoir gagner ma vie à travers ça et de partager, collaborer et être épanoui en même temps.

 

EP : Faire un jour la première partie de Ben Harper te plairait ?

Nour : Ah, mais ça c’est sûr. Je donnerais tout pour faire ça, ne serait-ce que le rencontrer. C’est sa carrière, sa personne, sa musique qui m’ont vraiment donné envie de faire de la musique professionnellement. Il a été une influence pour beaucoup d’artistes d’aujourd’hui.

 

EP : Tu as entendu son dernier album composé et écrit avec sa mère ?

Nour : « Childhood », oui. J’aimerais bien le rencontrer. C’est quelqu’un qui m’impressionne beaucoup. Un jour peut-être…

 

EP : Je te le souhaite vivement. Et merci beaucoup pour ce moment d’échange.

Nour : Merci Marc et à très bientôt peut-être.

 

EP : Excellente continuation à toi.

 

Nour Harkati 3

 

Propos recueillis par Marc SAPOLIN

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Marc Sapolin
De l’organisation de concerts aux interviews d’artistes il n’y avait qu’un pas. Plus de vingt-cinq ans de rencontres avec les artistes et toujours la passion de la découverte.

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