Faada Freddy était en concert à Marseille, jeudi 17 décembre, à l’occasion du Gala Marseille Espérance. Ce gala est un rendez-vous annuel récurrent ayant pour objectif de réunir des milliers de Marseillais, toutes religions confondues, dans un climat fraternel, convivial et fédérateur. Initié par la ville de Marseille et inauguré par des personnalités politiques et religieuses locales, cet événement a pour volonté la mise en avant du vivre ensemble, du mélange de communautés et de religions.

Faada Freddy, reconnu pour sa bonté, son altruisme et ses paroles fédératrices nous a fait l’honneur de nous recevoir quelques heures avant le concert pour répondre à nos quelques questions.

 

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ExtendedPlayer : S’il y avait trois mots pour vous définir lesquels seraient-ce ?

Faada Freddy : Musique, organique, et humanité parce que je fais de la musique avec mon corps et tout ce que je fais est lié à l’humanité sans distinction de races, de cultures, et de nationalités.

 

ExtendedPlayer : Au sein de votre parcours, quels sont les moments qui vous ont donné le plus envie de persévérer dans la musique et de quels événements résultent vos différents changements d’univers musicaux ?

Faada Freddy : Ce qui m’a donné envie de persévérer dans la musique c’est, il me semble, les voyages. Le fait de voyager et de rencontrer des peuples aussi différents les uns que les autres, avec des coutumes, avec des valeurs, et qui te montrent que tu peux être un des leurs aussi. Cela m’a poussé à me dire qu’il faut encore parcourir le monde et apprendre de ces peuples-là. Mais c’est aussi une sorte de quête, un sentiment d’accomplissement dans ma recherche d’une mesure qui soit le dénominateur commun. Comme je disais tantôt, j’ai été chez les Maoris et cela m’a beaucoup marqué [avant l’interview, Faada Freddy a raconté à l’équipe d’Extended Player son expérience en Nouvelle-Zélande, avec les Maoris], tout comme l’Inde et la culture hindoue, les îles du Pacifique, l’Afrique du Sud, les États-Unis. Ce sont des pays qui m’ont accueilli, qui m’ont ouvert les bras, et qui m’ont montré que je fais partie de cette grande famille qu’on appelle l’humanité

ExtendedPlayer : Mais au tout tout début quand vous vous êtes mis à chanter pour la première fois…

Faada Freddy : J’avais 4 ans…

 

ExtendedPlayer : Vous n’aviez pas encore voyagé, qu’elle a été votre motivation principale au départ ?

Faada Freddy : Pour moi tous les musiciens de la terre venaient de la même place. Quand j’étais enfant, je ne reconnaissais pas la langue ou le genre de musique, je savais juste que c’était de la musique. Je ne comprenais pas quand c’était de l’anglais, ou du français, ou du rock. Je ne connaissais pas ces différences. J’entendais juste les mélodies qui me traversaient et qui me parlaient. Je les comprenais et les interprétais à ma manière. Cela me rapprochait de tous ces artistes-là, que j’écoutais grâce à mes parents. Et c’est très vite devenu des classiques. Donc au départ, ma motivation c’était juste d’écouter de la musique et de vibrer.

J’ai aussi voulu essayer d’emprunter la voie de ma mère, qui chantait quand elle était à la maison. Elle pouvait passer de Michael Jackson à une chanson d’Hema Malini (actrice Indou). Donc je ne pouvais pas vraiment faire la différence. Et je la chantais après. C’est ce qui explique que j’ai un peu emprunté la voix de ma mère. Parce que quand on est enfant on ne sait pas vraiment ce qu’est une voix d’homme et une voix de femme. La voix de ma mère était disponible, donc pour moi chanter, c’était chanter après elle.

Vers 8 ans j’ai vraiment commencé à écrire les textes, avant je chantais juste dessus.
Après le hip-hop est venu, c’est là que le groupe Daara J s’est formé. J’ai toujours joué le rôle de soul men dans le groupe. Je chantais et je faisais les parties chant soul. On kiffait trop et d’ailleurs je parle souvent de Kiffologie active quand je suis sur scène. C’est quelque chose de continu, quelque chose que je ressens tout le temps sur scène. Qu’importe le nombre de dates que je fais, chaque fois que je monte sur scène la kiffologie est active.

Donc je pense que je suis passé d’un enfant qui chantait juste pour chanter à un enfant qui chante aussi pour être reconnaissant de tout ce que la musique lui a donné.

 

ExtendedPlayer : Et alors, comment procédez-vous pour choisir les langues sur vos chansons ? Il me semble que vous m’aviez dit, il y a plusieurs années à l’époque de « Boomerang », que vous essayiez de chanter en français pour les albums dédiés à la France. Cette fois-ci la majorité de l’album est en anglais, pourquoi ce choix ? Par souci d’universalité ?

Faada Freddy : Depuis le premier album de Daraa J, il y a toujours eu un peu d’Anglais. Mais surtout au fur et à mesure que je voyage, ou que je me suis implanté plus ou moins dans différents pays comme les États-Unis par exemple, il n’y a plus de norme, de langue avec laquelle tu dois chanter. Quand les mots te parviennent, tu écris et même s’il y a pas mal de choses qui me parviennent en français, il y a beaucoup plus de choses qui me parviennent en anglais.

 

ExtendedPlayer : Et est-ce que vous pouvez m’expliquer Borom Bi ? Je l’avais déjà entendu avant Gospel Journey et c’est un de mes préférés.

Faada Freddy : Borom Bi, c’est un morceau spirituel, qui parle de la foi et qui dit que je ne suis pas seul. Je n’ai pas peur tant que je sais que tu es à mes côtés. C’est un morceau qui témoigne de la foi en Dieu. La foi est comme un ami qui nous accompagne partout, plus encore quand les choses sont difficiles. Et parfois quand on est dans le doute, la foi est là pour trancher.

Pour moi c’est important de l’avoir. Un jour j’ai eu une discussion avec un ami qui me disait, « tu sais Faada je suis athée, je ne crois pas, je ne crois pas en Dieu, je ne crois en rien ». Il me dit « je n’ai pas la chance d’avoir la foi ». Il me dit que cela ne lui enlèverait rien d’avoir la foi, que s’il avait la foi il aurait peut-être le choix aujourd’hui de s’en débarrasser. Je lui ai répondu : « Justement en me disant que tu n’as pas la foi et bien je crois que tu as une foi ». Le fait de croire qu’on ne croit pas, c’est aussi croire. C’est ce que tu crois au fond de toi. On peut dire que même ceux qui disent qu’ils ne croient pas en Dieu, croient qu’ils ne croient pas en Dieu, donc ils croient aussi. Donc la foi, c’est inné en l’homme. C’est quelque chose qui est toujours avec lui. Même si les directions peuvent être différentes. Les religions sont différentes, mais je pense que l’homme est avec la foi.
Tu as parlé de dieu, de religion, à certaines personnes,  et ils y ont cru, d’autres n’ont pas cru. C’est comme quand tu dis qu’il y a d’autres êtres à part les humains. Pour certains il faut l’œil de la certitude pour croire, pour d’autres ils croient parce que leur cœur leur dit qu’il y a autre chose que ce qu’ils voient autour d’eux et je pense que le monde est ainsi fait. Tu as la foi, après tu en fais ce que tu veux. Tu peux l’utiliser ou tu peux la mettre dans un sac-poubelle. Pour moi le fait d’avoir la foi, ou pas, ne doit pas être un critère de jugement parce que l’homme est un mystère et la foi c’est une nourriture intérieure qui alimente le cœur, qui alimente la pensée, qu’elle soit positive ou négative.

 

ExtendedPlayer : Vous qui avez beaucoup voyagé, pouvez-vous nous dire quel pays vous a le plus marqué ?

Faada Freddy : Je me rappelle lorsque j’étais en Corée, j’ai vu quelque chose que je n’avais jamais vu : le public restait très discipliné et statique. Mais cela ne voulait pas dire qu’il n’aimait pas, c’était une sorte de respect. Apparemment, cela a changé. Cette histoire date de plus de 10 ans. Dès que c’était fini, ils se levaient et applaudissaient. Cela m’a marqué et étonné. Et donc je me suis dit, puisque c’est comme ça en Corée peut-être que c’est pareil au Japon. Sauf qu’au Japon, dès le deuxième morceau c’est parti dans tous les sens.
L’Inde c’était autre chose, il a suffi que je dise un mot dans une des langues du pays pour avoir l’impression d’être hindou moi-même. Tout le monde est venu danser sur scène, ils s’appropriaient le concert. C’est vrai que selon les pays, il y a une approche qui est différente, et j’aime beaucoup la France. La France est un peuple avec tellement de cultures différentes. Le nord et le sud de la France n’ont absolument rien à voir. Et les températures, le climat, jouent sur les humeurs. Quand tu es à Paris dans le métro, c’est totalement différent de lorsque tu es dans le métro à Lille. C’est pour cela que j’aime beaucoup la France.
J’aime beaucoup les États-Unis aussi. C’est une terre d’opportunités où tu peux venir de n’importe où et vraiment réussir. Personne ne s’arrête sur les origines, et chacun peut faire ce qu’il veut.
J’ai aimé aussi l’Australie, et en particulier Sidney et Perth. J’ai également apprécié l’Angleterre pour la manière dont les Anglais accueillent la musique. La musique c’est comme un patrimoine généralisé. Et je comprends l’impact que l’Angleterre a sur le monde, musicalement parlant. Je pense que ceci est dû à la vague d’artistes qui provient de là-bas, comme les Beatles par exemple. Et ils sont en partie responsables du fait que la musique est assez pesante dans le PIB. C’est-à-dire que la musique est, non seulement source de revenus, mais aussi source de remise à niveau de l’économie.

 

ExtendedPlayer : Puisque nous sommes dans le bassin Méditerranéen, pouvez-vous nous donner des conseils pour mettre en place une collaboration artistique avec des pays du sud de la Méditerranée ?

Faada Freddy : Cette année j’ai fait deux festivals : la nuit des chants soufis qui se passe à Fès, et un second à Rabah avec Jennifer Lopez. Je pense qu’il y a un intérêt venant du Maghreb pour ce qui provient d’Europe. Les Maghrébins s’intéressent énormément à l’Europe. Et historiquement, il s’est passé des choses qui ont créé des divisions et d’autres choses qui sont vectrices d’unité. Dans tout ce qui est division, on verra surtout de la politique. Et pour ce qui est de l’unité, on verra surtout de la culture. Aujourd’hui quelqu’un qui est de Marrakech aime la comédie française, aime certaines musiques qui viennent de France, mais pas toutes. Il y a certaines musiques auxquelles il ne s’identifie absolument pas du fait qu’il vient d’un pays où il y a de la chaleur. Les musiques bien froides, qui amènent le mystère, avec un rythme très très lent, il ne peut pas s’y identifier. Je pense donc que, s’il y a un pont à créer, il faut miser sur une vraie chaleur, sur une chaleur culturelle, mais aussi humaine. N’importe quel artiste ne peut pas faire le viaduc entre les pays de Maghreb et ici. Il faut des artistes vraiment ouverts. Le star-système là-bas n’existe pas. Les artistes doivent se mélanger à la population, montrer leur part d’humanité. Si tu as des ambassadeurs ou des bons artistes pour faire le « link », c’est facile. Et si c’est des artistes de là-bas qui viennent ici, il faut qu’ils coopèrent avec des gens sans préjugés. Avec tout ce qu’il se passe dans l’actualité, c’est important. Et, le plus important est d’être porté sur la positivité du message et l’universalité de la musique.

 

ExtendedPlayer : Puisque vous êtes un artiste engagé, j’aimerais savoir à quel moment de votre carrière vous vous êtes senti le plus utile à la société ?

Faada Freddy : Je suis ambassadeur de deux associations : « Lueur d’espoir », qui soigne le cancer chez les enfants, et un autre organisme qui récupère les enfants de la rue et leur donne ce qu’il faut. Je chante souvent avec les enfants. Même en France j’ai chanté dans les hôpitaux. J’ai aussi réalisé des ateliers avec des autistes. Il ne faut pas avoir d’appréhension. C’est dans des moments comme ça que l’on est touché. Une fois, un enfant s’est levé, est venu vers moi, m’a fait un bisou et s’est mis à courir. Sa maman m’a dit que c’était la première fois qu’il agissait ainsi. Le résultat est incroyable. C’est un grain de sable dans le désert.

L’équipe d’Extented Player remercie Faada Freddy pour cette interview, pour la sincérité des propos partagés et pour le temps qui leur a été accordé.

Interview réalisée par Léa Sapolin et Audrey Richardeau

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Léa Sapolin
Rédactrice en chef adjointe et webmaster du Magazine.
Passionnée de HipHop français et de musique à textes, en charge de la partie rap du magazine depuis mes 11ans.
Chargée de communication à mon compte et chef de projet Web à Oxatis.
Projet perso en cours : www.omega-13.fr

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