Affiche SOS PapouasieNous avions interviewé Paul WAMO en Mars à l’occasion de Babel Med Music 2017 et nous avions chroniqué son remarquable concert le soir même au Dock des Suds. Nous avons appris qu’il travaillait à l’organisation d’un évènement, après plusieurs rendez-vous ratés, je parviens à l’avoir au téléphone pour qu’il m’en dise plus. Paul WAMO est un poète Kanak qui met ses textes en chanson et nous fait partager les traditions de son île et de la Mélanésie. Il interpelle souvent son public, du moins « ceux qui ont des oreilles et qui entendent », à propos d’un drame qui se joue depuis des décennies en Papouasie Occidentale, cette région de Nouvelle-Guinée sous contrôle Indonésien. 

 

Aujourd’hui, il participe à l’organisation d’une journée de mobilisation intitulée « Alerte Génocide Papouasie-Occidentale ». Extended Player est un webmagazine résolument apolitique, mais nous pensons que l’engagement des artistes pour des causes sociales et humanitaires est un acte essentiel et porteur de sens, surtout quand il s’agit comme ici de sensibilisation à des évènements oubliés des grands médias et mal connu du public français. Nous vous présentons donc cet entretien poignant et vous invitons à venir le Vendredi 06 Octobre à cette journée, notamment le soir, à l’Equitable Café pour visiter l’exposition, participer aux échanges et assister au concert de Jean-Sylvio KAREMBEU, en soutien aux Papous de Nouvelle-Guinée Occidentale.

Extended Player : Bonjour Paul, depuis Babel Med Music 2017, où on avait découvert « Sol », ton dernier album, on se demandait quels étaient tes futurs projets, musicaux ou militants, pour la fin de l’année 2017 et en 2018 ?

Paul Wamo: Je suis sur l’enregistrement d’un nouvel album, on est encore en phase de pré-maquettage, sur les premières prises de son, mais le projet c’est la sortie d’un nouvel album en mai 2018 et on reprendra les concerts à ce moment-là. En attendant on fait tourner « Sol ». J’ai des concerts de prévus sur Paris, et je pars bientôt en Guadeloupe pour une semaine, invité par le festival « Bleu outre-mer », pour l’anniversaire du Musée sur l’Histoire de l’esclavage, le Mémorial Act de Pointe-à-Pitre. Il y aura des ateliers, des rencontres avec des artistes etc. C’est intéressant pour nous qui venons d’Outre-Mer, parce qu’on est des territoires qui ne se connaissent pas, en tous cas la Nouvelle-Calédonie et les territoires antillais ne se connaissent pas, ça va nous permettre de croiser nos histoires… Pour moi ça va être quelque chose de fort je pense, de pouvoir vivre ça et m’imprégner de leur Histoire. On est ensemble, on ne se connait pas et on a des histoires différentes, mais du coup c’est très bien de pouvoir se rencontrer et d’échanger. Sinon, en ce moment, je participe à un collectif pour dénoncer le génocide dont le peuple Papou est victime en Nouvelle-Guinée Occidentale.

E.P : Pour nos lecteurs, est-ce que tu pourrais nous parler concrètement de la situation actuelle en Papouasie-Occidentale ? Quelle est la condition des Papous dans ces territoires Indonésiens ?

Paul Wamo: La Papouasie Occidentale aujourd’hui est partagée parce que depuis que l’Indonésie a mené sa campagne de répression et de peuplement, sa colonie de peuplement, la cause Papou est partagée. Tu as des territoires qui sont exploités, des villages qui sont menacés, d’autres qui sont détruits, qui subissent l’oppression militaire Indonésienne et une autre partie qui a été assimilée, qui a subi l’assimilation depuis des décennies et qui l’accepte aujourd’hui. Une partie de la Papouasie Occidentale est Indonésienne et une autre est engagée dans la lutte indépendantiste. Les Indonésiens ont réussi à semer la discorde au sein même de la communauté Papou. Aujourd’hui on assiste à cette cohabitation de deux sociétés, où la répression militaire indonésienne est toujours aussi présente. Tout ce qui est torture, assassinat, tout ce qui est empoisonnement des leaders indépendantistes, c’est la première chose qu’ils ont faite et cette situation est toujours présente. Le mouvement indépendantiste est aujourd’hui porté par le « MOULPO » (Mouvement Unie de Libération de la Papouasie Occidentale) avec Beny WENDA qui représente au niveau mondial le mouvement, médiatiquement et sur le terrain. Ils demandent que soit organisé un nouveau référendum, un référendum dans le droit, pas celui de 1969 où ils avaient sélectionné des Papous pour voter et soutenir le gouvernement Indonésien. Ils demandent aussi à ce que l’ONU engage une mission humanitaire en faveur des droits de l’Homme qui sont largement bafoués et qu’ils contrôlent le référendum en Papouasie Occidentale. D’ailleurs Beny WENDA sera présent sur la journée du 06 Octobre. J’ai peur que parfois mes réponses soient un peu vagues, car le sujet est vaste, mais tous les intervenants pourront apporter des réponses plus précises.

E.P : Le vendredi 06 octobre se tient sur toute la journée l’évènement « Alerte Génocide Papouasie Occidentale ». D’abord à l’université de St Charles le matin, en ville dans l’après-midi et à l’Equitable Café le soir. Tout au long de votre journée de mobilisation, se tiendront des discussions autour de la situation en Papouasie Occidentale et une manifestation, vous finirez la soirée à l’Equitable café. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur la programmation de la journée et surtout, est ce qu’on aura l’occasion d’entendre l’un de tes slams rageurs sur le sujet ?

Paul Wamo: Le 06 octobre, l’objectif c’est de sensibiliser l’opinion publique sur le sort de la Papouasie Occidentale, sur ce qui s’y passe. On nous répète souvent qu’en France c’est peine perdue, parce qu’ici il y a d’autres problèmes. Il y a Macron et sa loi travail, il y a beaucoup de choses, et c’est loin, éloigné, ça ne concerne pas la France, la France n’entre pas dans le jeu des Papous et des Indonésiens. Pour nous, l’idée, c’est au-delà de tout ça, de pouvoir se faire entendre, de permettre à cette cause de se faire entendre. Cette cause là, pour moi en tous cas, elle dépasse la Mélanésie, elle dépasse la géographie, le politique et tout ça. Cette cause, elle touche à notre part d’humanité quoi. C’est pour ça qu’on le fait, c’est pour ça qu’on porte ce projet là et qu’on veut le faire entendre ici, en France, en commençant par Marseille. L’objectif c’est de renouveler cette opération dans d’autres villes où se trouvent une ambassade ou un consulat indonésien. La journée commencera le matin avec une discussion, des échanges, au CREDO, qui est une branche de l’Université d’Aix-Marseille près de la gare St Charles. Nos invités seront là, des activistes, mais aussi des journalistes, des journalistes français comme Philippe PATAUD CELERIER, qui sont allés sur place et qui en sont revenus avec des articles, une analyse de la Paouasie Occidentale. Il y aura aussi Damien FAURE qui a réalisé trois court-métrages sur le sujet… Ces messieurs seront bien plus à même de parler de la situation là-bas. Léonie TANGGAHMA est une ressortissante Papou, qui vit aujourd’hui aux Pays-Bas. Elle a fait partie des familles Papous qui ont fuies la Papouasie Occidentale quand la répression Indonésienne est devenue omniprésente. Ils ont quitté la Papouasie et ont été recueillis en Afrique. Le gouvernement Camerounais les a accueillis, à cette époque on était dans l’indépendantisme Africain, donc ils les ont accueillis, ensuite le régime du Cameroun est devenu dictatorial, donc ils ont dû se réfugier, aux Pays-Bas. Il y a une forte communauté Papoue aux Pays-Bas. Elle fait partie de cette histoire là de par son témoignage, mais aussi de par son action, elle est engagée dans le MOULPO qui milite depuis les Pays-Bas pour la cause Papoue. Il y aura aussi Beny Wenda, le porte parole emblématique de la cause Papoue. Ces quatre invités échangeront avec des universitaires, avec des étudiants, et avec toutes les personnes qui se joindront à nous de 10h à midi, au CREDO, il faudra s’inscrire sur la page évènement FB pour faire part de leur présence SOS Papouasie

On se retrouve à 15h sur le Vieux-Port pour la marche manifestation en faveur de la Papouasie Occidentale, avec les banderoles, la musique, du monde et tout. L’idée est de finir cette marche au Consulat Indonésien à Marseille, pour y déposer une pétition qui tourne en ce moment sur internet, qui est porté par le comité Free West Papoua. Autour de ce geste symbolique, l’objectif c’est de renouveler l’opération dans différentes villes de France, et de finir avec Paris. C’est notre projet avec les invités, le collectif. Ce qu’on souhaite aussi c’est de pouvoir fédérer les différents comités en Espagne, en Angleterre, aux Pays-Bas, l’idée c’est de pouvoir faire émerger ce mouvement là aussi en France. On est en mode débroussaillage du terrain, c’est un gros chantier, mais on veut commencer par Marseille. Voilà un peu le concept.
Après, entre 17h et 18h, on se retrouve à l’Equitable café au Cours Julien. Il y aura une expo qui sera mise en place au début de la semaine. Il y aura des vidéos, des projections, des articles, des ouvrages sur la Papouasie… Il y aura à nouveau quelques discussions et échanges avec nos invités, et un concert de Jean-Sylvio Karembeu en concert solo qui fait du Kaneka, de la musique Kanak, du rock… Enfin, on se retrouvera pour déguster du Kava, qui est une boisson traditionnelle et rituelle de Vanuatu, qu’on boit pour se calmer, c’est une boisson apaisante. C’est pas une drogue, c’est même pas alcoolisé, mais on finira comme ça, avec un concert et du Kava.

E.P : On n’aura pas du tout le plaisir de t’entendre ce soir là ?

Paul Wamo: Ha, non, moi je suis derrière les marmites, j’organise, le 06 octobre ce sera le frangin qui jouera.

E.P : Est-ce que tu as vu le dessous des cartes consacré aux persécutions en Nouvelle-Guinée Occidentales et qu’en as-tu pensé ?

Paul Wamo: Oui je l’ai vu et j’ai pu en discuter avec Philippe PATAUD CELERIER, journaliste et intervenant lors de notre manifestation. Il connait par cœur la situation de la région, il y a travaillé un an et a écrit des articles pour Le Monde diplomatique. Je voulais avoir ses retours comme c’est lui l’expert en France de la Papouasie Occidentale avec Damien FAURE. Lui disait par rapport à ce reportage que c’était bourré d’imprécisions, qu’ils « adoucissaient » entre guillemets le rôle de Jakarta, de l’Indonésie, mais c’est un bon support pédagogique pour lancer les discussions. D’ailleurs, nous utiliserons ce support lors de la matinée de la journée « Alerte Génocide Papouasie Occidentale », à la conférence, et le soir, puis les invités développeront avec leur témoignage. C’est déjà un plus et un éclairage intéressant sur la Papouasie Occidentale, parce qu’on en parle trop peu aujourd’hui.

E.P : Le reportage parle de 100.000 morts quand votre documentation avance le chiffre de 500.000 disparus.

Paul Wamo: Oui, surtout au début, sur la période où pendant la guerre froide, les Etats-Unis ont lâché la Papouasie Occidentale aux Indonésiens, parce que l’Indonésie était un allié très important. A partir de là, dans les années soixante, avec l’ONU derrière, qui aurait dû avoir un rôle de garant et qui a laissé faire, l’Indonésie a lancé ses actions de nettoyage, pour assoir son pouvoir et garder la Papouasie Occidentale. Philippe PATAUD CELERIER pourrait donner des précisions plus fines sur la chronologie des évènements, j’ai des éléments de réponses mais j’ai peur d’être vague sur certains détails, tout sera analysé et expliqué au cours de la journée de mobilisation. C’est une situation compliquée, issue de jeux de pouvoirs entre Russes et Américains pendant la guerre froide, pendant la décolonisation Hollandaise, avec une attitude floue de la part de l’ONU… L’Indonésie émergeait comme un allié puissant. Dans tous les cas, cela a laissé libre court à des massacres, cela a donné lieu à un référendum truqué. Pendant les premières années, ils ont fermé les yeux sur une période de quatre ou cinq où ils auraient dû superviser l’organisation de ce référendum, ce qu’ils n’ont pas fait. Ça nous mène à la situation d’aujourd’hui.

E.P : Le peuple Papou, au niveau de l’Indonésie, est une minorité, ethnique, religieuse, linguistique, peuple traditionnel vivant essentiellement dans les montagnes et les forêts, les papous ont toutes les caractéristiques des peuples opprimés de par le monde. Comme au Brésil, la violence est largement motivée par l’accaparement des terres et des ressources. En Papouasie Occidentale, un quart du territoire a été déforesté depuis les années quatre-vingt, la moitié est en situation environnementale critique, notamment du fait des rejets toxiques issus des mines d’or, de cuivre de nickel… Cette épuration est-elle essentiellement motivée par des questions ethniques, ou est-ce que la principale cause des persécutions est lié à l’exploitation des ressources ?

Paul Wamo: C’est fortement lié, derrière ce génocide, il a aussi les multinationales qui font leur business avec l’Indonésie, notamment avec les mines d’or. Freeport est l’une des compagnies minières les plus importantes, qui est américaine et qui exploite le territoire Papou. On peut dire que la richesse qu’il y a dans le sous-sol c’est l’une des principales motivations. Mais à côté on a aussi le gouvernement Indonésien qui veut assoir son territoire. Tout ça est lié et les intervenants développeront ces questions le 06 Octobre.

E.P : Sur la question de la Papouasie occidentale, il y a une indifférence frappante de la communauté internationale, ONU comprise, mais les Etats mélanésiens libres se mobilisent avec le Vanuhatu, les îles Salomon, à travers toi la communauté Kanak a l’air d’être très sensible à ce « génocide en slow motion » comme vous le définissez.

Paul Wamo: Les Etats océaniens… Il y a un soutien, il y a un comité fer de lance qui a été mis en place en Mélanésie, c’est un comité qui regroupe différents pays mélanésiens, créé au début des mouvements indépendantistes, quand le Vanuatu est devenu indépendant, les îles Fidji, et en Nouvelle-Calédonie ce mouvement existe aussi. La Papouasie Nouvelle-Guinée est à l’intérieur du comité fer de lance, mais pas la Papouasie Occidentale, ils n’ont pas encore fait rentrer la Papouasie Occidentale dans leur comité, parce que l’Indonésie est encore derrière tout ça. L’Indonésie a un gros pouvoir financier, elle investit en Australie, dans les Fidjis, même en Nouvelle-Calédonie. Du coup, il y a une solidarité des peuples mélanésiens, mais c’est au niveau des gens quoi, au niveau du peuple. Dans les hautes sphères on tombe encore dans des jeux de pouvoir, dans des manigances… La solidarité mélanésienne elle est là, mais elle est biaisée par le pouvoir.

E.P : Quels sont pour toi ou pour la communauté Papou les espoirs pour l’avenir en Papouasie Occidentale, sachant que l’indépendance semble très peu probable à court terme, que l’ONU ne considère pas le territoire comme occupé, que les indépendantistes sont recensés comme groupes terroristes, que les Etats-Unis ont des intérêts militaires et économiques dans le statut quo, quels sont tes espoirs à court ou moyen terme pour ces populations ? Et quels sont leurs espoirs pour que la situation s’améliore ?

Paul Wamo: L’espoir c’est l’indépendance ! L’espoir c’est l’indépendance, l’espoir c’est qu’on rétablisse la justice, qu’on sorte de cet état de non droit. La manière dont la situation s’est créée dans les années soixante, avec le référendum truqué, les assassinats militaires d’indépendantistes, c’est à cause de ce passé que l’ONU ne veut pas faire de retour en arrière. La paix passera par-là, la paix des papous passera par l’indépendance. Il n’y a pas d’autre alternative à un nouveau référendum et à l’indépendance, c’est la seule chose qui peut arrêter l’Indonésie, la seule chose qui pourra rétablir la justice et la paix, c’est la seule solution.

Libre à nos lecteurs de se renseigner et de se faire leur opinion, peut-être en participant à la journée. Nous, en tous cas, nous irons jeter un œil à l’exposition qui se tient toute la semaine à l’Equitable Café et nous irons découvrir Jean-Sylvio KAREMBEU le vendredi 06 octobre au soir.

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Vincent Carlier
Vincent est chroniqueur depuis 2015 pour Extended Player. Longtemps impliqué dans le milieu associatif marseillais en tant que président de PARNAS', Vincent a récemment créé son entreprise d'évènementiel, production audio-visuelle et assistance administrative : NATCHEZ MUSIC.

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