Séduit par le titre « Poupée », sa lancinance sensuelle, son rythme endurant, son refrain à la guitare hargneuse et au chant complaisant, avec ses mots tout en courroux et exaspération (« T’as du sang plein la poitrine, poupée carabine, poupée GI, poupée Djhadiste, poupée bidasse, poupée saucisse, poupée viande… »), envie de découvrir plus avant la créativité de Keith Kouna. Surprise à demi dès l’intro de cet album, avec un « Ding Dang Dong » sans autre mots que ces trois-là, énoncés dans le titre, et éructés à toute berzingue durant une minutes cinquante-deux. Du pur punk, confirmé de suite avec un aussi suffisant « Shérif ». D’un coup on se retrouve en France en pleine fin des années 80 et début des années 90 (Métal Urbain, Bérurier Noir, Garçons Bouchers…). Clou enfoncé profond avec « Vaches » qui se positionne tout près du célèbre « Commando Pernod » des Bérus. Keith Kouna a fait ses premières armes avec un groupe québécois culte, Les Goules, aventure suivie d’une carrière solo riche déjà de trois albums. Avec celui-ci, le quatrième, on peut dire qu’il se « positionne politiquement » contre la connerie humaine. Le choix de la matière punk en guise de crayons de couleurs n’a rien d’innocent. Parfait médian pour plaquer d’implacables constats au regard d’un monde dont les mutations oscillent confortablement sur les versants dramatiques, sans que les ordonnateurs ne culpabilisent. Ce que dénonce Keith Kouna vise le pouvoir, la corruption, les fanatismes religieux, l’exécrable impact des médias. Et il va le dire « à l’ancienne », bien loin du virtuel, guitare, basse, batterie et micro en bandoulière. Une attaque frontale et directe, loyale, les yeux dans les yeux. Mais il n’y a pas que du rythme débridé dans cette production. Exemple avec ce semblant de calme sur lequel les mots de « Congo » s’alignent, avant de subir les assauts d’une guitare aux confins d’un métal profondément distordu. Idem avec « Pays » qui additionne les mots comme des images parlantes (« Des Jean-Guy, des quidams, des caveaux…  des trophées, des médailles, des équipes… des salades, des discours, des conneries »). Difficile d’être plus clair avec cet alignement infernal. Alors, pour reconnaître notre impuissance et soumission souvent forcée, Keith Kouna écrit « Doubidou », une menteuse insignifiance comme un constat de défaite (« On se case, on s’écrase, on compte ses sous »). Puis il repart à la guerre, presse son pied sur le bouton de la distorsion et envoie « Marie », un chant de désespoir révolutionnaire à multiples degrés d’interprétation, mais très ancré dans l’actualité. Quant au titre suivant, tout aussi énervé (« Madame »), son « Cela va être beau » s’entend presque « Salam Aleikoum » !?… Acte volontaire ? Alors pour finir, Keith calme le jeu. Sa « Berceuse » s’entend comme telle musicalement parlant, mais ses mots parlent de la fin du monde. Il adopte un phrasé à la Saez, continuant d’aligner des sentences : « Entre les prières Et le chant des garagistes Les parfums des civières Et les valets de service », il arrive à « Le Christ et Lucifer Se font les bons apôtres Se partagent la Terre En s’échangeant les pauvres »… Tout est mal qui finit mal, alors autant le dire en se faisant du bien.

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Marc Sapolin
De l’organisation de concerts aux interviews d’artistes il n’y avait qu’un pas. Plus de vingt-cinq ans de rencontres avec les artistes et toujours la passion de la découverte.

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