Amateurs de guitares âpres et réverbérées, voici le disque parfait. L’australienne Jen Cloher épate par son jeu à la consistance singulière. Ses chansons semblent écrites pour cet instrument. « Forgot Myself » a juste besoin d’une bonne batterie et d’un jeu de basse en soutien. Si l’on regarde le clip, on peut percevoir les sources de tension ressentie à l’écoute. Souvent, une rythmique paraît un écho à une référence précise, comme pour donner une couleur générale au morceau. « Analysis Paralysis » est un peu comme un compromis « Sweet Jane/Waiting For My Man », donc très Velvet Underground dans le son et l’ambiance. Cela explique peut-être pourquoi, lorsqu’elle se lâche dans le long solo final, elle dérape délibérément vers d’infernaux chorus aux dissonances absolument volontaristes, à la John Cale dirait-on. Mais on comprend bien que l’esprit du morceau réside précisément ici, qu’il ne s’agit en aucun cas d’un défaut guitaristique. La résonance est ample, la six cordes accroche l’âme (« Regional Echo »). Alors Jen Cloher peut s’exprimer par un chant n’ayant aucun besoin d’aller jusqu’à la colère, douceur souvent, ou simplement belle présence, tout en affirmation, ou carrément murmure. C’est le cas dans « Sensory Memory », très jolie ballade, là encore, alanguie subtilement par un jeu de guitare flottant gagnant en énergie avant que la chanson ne se termine en susurre. Puis la guitare de « Shoegazers » arrive, comme échappée d’une séance oubliée d’ « Exile On Main Street » des Stones, sans pour autant que le titre n’évoque plus avant l’historique groupe anglais. Jen Cloher à sa façon bien à elle de placer sa voix dans les entrelacs rythmiques de sa musique (« Strong Woman »). C’est un feeling naturel qui relie le tout, alternant accrocs et caresses, ne serait que dans une intro, comme celle de « Kinda Biblical » où la saturation laisse place à une tournerie de basse doublée aussitôt par la guitare, le tout dans une fluidité écorchée régulièrement de coups de semonce non édulcorés. « Great Australian Bite » est un slow alourdi par une batterie sèche et franche, presque sévère, caractéristique du chemin qui mène à ces codas propres à Jen Cloher, savants fouillis bruitistes par lesquels l’artiste libère par la musique ce que les mots n’ont plus besoin de dire. Certainement la raison pour laquelle le titre qui suit débute souvent dans le plus grand calme (« Loose Magic »). C’est toute la richesse de cet album que l’on peut écouter maintes et maintes fois, avec toujours autant de plaisir, grâce à ces accroches qui puisent réellement dans une source d’émotions pures. Surpris alors par « Waiting In The Wings », avant dernier titre, qui dénote presque par sa présentation pop. Qui dénote oui, mais que l’on n’a aucune envie de rejeter, bien au contraire, chanson qui se termine d’ailleurs à l’inverse de ce qui est décrit précédemment. Puisse ce titre aider à mieux faire connaître la chanteuse aurait-on surtout envie de dire. Seul regret : avoir mis autant de temps avant d’apprécier à sa juste valeur ces compositions exceptionnelles. Et, pour terminer l’album, « Dark Art » apparaît comme un écho à la B.O. du film « Into The Wild » et « I’m ready, I am fine »… Très beau et touchant !

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Marc Sapolin
De l’organisation de concerts aux interviews d’artistes il n’y avait qu’un pas. Plus de vingt-cinq ans de rencontres avec les artistes et toujours la passion de la découverte.

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