Découvert lors du Scred Festival, Maxwell Nostar est notre artiste « coup de cœur » de cette édition 2019. Avec des textes soignés, une prestation scénique carrée, il a su retenir toute notre attention. Quelques jours plus tard, nous nous sommes donc plongées dans l’écoute de son album « Pistes noires » qui a pris une place importante dans notre playlist depuis.  Cet opus résulte de la collaboration entre Maxwell, ce jeune rappeur de Tours, et Itam, beatmaker de Kids Of Crackling. L’ensemble a été enregistré et masterisé par Loko, le cofondateur de Néochrome. Les 17 titres bien ficelés du projet ont confirmé notre envie d’interviewer Maxwell Nostar, nous sommes donc partis à sa rencontre.

Pourriez-vous vous présenter par le biais d’une métaphore?

« …j’suis le trottoir sur ta jante alu… »

Puisque vous avez réalisé un album avec un beatmaker unique, nous aimerions savoir comment vous définiriez une bonne prod ainsi qu’un bon beatmaker?

En tant que rappeur, une bonne prod c’est un truc qui te donne envie d’écrire tout de suite, sur lequel tu te vois même faire un yaourt. Certaines fois, il se peut que ce soit le beat qui te plaise et moins le sample. Mais, un bon beatmaker c’est avant tout un artiste qui a une marque reconnaissable à chaque écoute.  Ce n’est pas  pour autant un artiste catégorisé dans un seul délire. Je dirais qu’en 10 secondes, il faut pouvoir se dire « tiens c’est lui ». Il y a souvent des accords et composants que les bons beatmakers utilisent régulièrement et qui permettent de les reconnaitre. Et j’ajouterai qu’un bon beatmaker c’est quelqu’un qui est capable d’aller de lui-même piocher partout sans regarder les autres faire, à l’inverse des beatmakers lambda qui vont plutôt regarder comment font les autres. C’est bien de s’inspirer, mais avoir sa propre recette c’est mieux.

Qu’est-ce que vous a apporté le fait d’avoir travaillé le projet avec Itam?

Cela m’a apporté de la rigueur. Comme tu as un seul beatmaker, tu ne vas pas piocher à droite à gauche. C’était mon défaut à la base. Que ce soit une face A ou B, je kiffais et j’écrivais un morceau. Avec ce que m’envoyait Itam c’était pareil, j’avais tendance à commencer quelque chose dès que j’aimais et des fois il me remettait dans le droit chemin car cela n’était pas cohérent avec le reste du projet. Cela m’a apporté une unité.

Est-ce qu’Itam s’est cantonné au travail de beatmaker ou s’est-il impliqué dans l’album d’une autre manière, notamment dans le choix des thèmes et des textes ?

Non, aucunement. Par contre, il a orienté sciemment la direction du projet. C’est lui qui a envoyé les boucles. Même s’il envoyait trois prods, c’est trois prods qu’il voyait bien sur le projet. Il n’y a que les quelques ovnis qu’il m’a envoyés en parallèle qui ne résultait pas de ce processus, mais c’était spécifiquement précisé que cela n’était pas pour le projet.

Côté texte, cet album parle énormément de l’aliénation au travail, du mal-être professionnel. Vous, comme Itam, travaillez en parallèle de la musique, est-ce quelque chose au quotidien qui vous pèse?

C’est une manière d’écrire sur ce genre d’instru. Il y a aussi de bons moments au boulot, je parle plutôt d’un ras-le-bol général, ce n’est pas contre le travail lui-même. Je suis plutôt dans une dynamique où, lorsque j’écris, je me pose et je lâche tout. Dans ma vie il y a évidemment ce côté-là, mais également des côtés très positifs. Au bout de trois morceaux réalisés, l’album a pris un tournant « triste ».

Justement, dans «Aléas» vous décrivez ce ras-le-bol général, si à l’inverse vous pouviez changer le monde positivement, qu’est-ce que vous ajouteriez?

De la sincérité et de la simplicité. Forcément de l’argent, mais pas pour être aisé, de l’argent pour les premières nécessités et quelques plaisirs un peu plus fous.  Quand je parle de simplicité, c’est simplicité des gens, de l’ouverture.

Est-ce que vous envisagez par la suite un projet plus positif?

Oui. Là je travaille d’ailleurs sur quelque chose de différent, avec un beatmaker, des instrus et des sonorités différentes. Ce sera basé sur de l’égotrip. Je me suis forcé à poser sur des instrus sur lesquelles je ne me serais pas arrêté auparavant. C’est un lâché prise, mais ça reste du rap et du kickage. C’est moins négatif que « Pistes noires », mais pas pour autant positif et opposé. Je ne pense pas être capable de faire un projet complet positif, mais quelques titres oui. Tout ce qui dérange est assez moteur finalement.

Pour quand ce projet est-il prévu?

Il n’est pas encore prévu (rires). Il va y avoir la phase studio puis les clips, mais les objectifs et intervenants ne sont pas les mêmes. Il va me falloir un an certainement avant de sortir ce projet. Pour le moment je défends « Pistes noires » et j’essaie de cumuler les scènes, mais c’est assez compliqué de solliciter les programmateurs, car ils veulent que tu soies connu alors que pour être connu il faut faire des scènes.

En parlant de scènes, vous avez fait le Scred Festival ainsi qu’une release à Tours il y a peu, quel a été votre ressenti après ces deux dates?

Les retombées sont assez unanimes : les gens ont apprécié. Nous avons écoulé des projets. En plus, à Tours, le lieu était nouveau, le public ne le connaissait pas encore. De notre côté, nous avons vu des choses à améliorer, mais c’est une réussite.

Dans l’album «Pistes noires» il y a trois «#Horspistes» qui sont sortis en amont, peut-on en savoir plus?

Il fallait faire parler de moi avant la sortie de l’album et je ne voulais pas disperser les gens avec plusieurs titres. Il y a aussi un endroit unique au sein de ces trois clips. Le but était de montrer aux gens qu’il y avait une collab et leur montrer ce que ça donnerait. Cela a permis de susciter l’intérêt. Ces trois morceaux ont d’ailleurs été enregistrés chez Mani Deiz.

Pourriez-vous nous raconter la naissance du titre «Gigantesque Dalle» avec Herka & Lilbab ? C’est aussi l’occasion de nous présenter Herka, en feat sur le titre et présent sur chacun de vos lives.

J’ai reçu plusieurs titres d’Itam et à l’écoute j’ai eu envie de ne pas écrire tout seul dessus. Le côté partage a été déclenché et je l’ai envoyé à Herka et Lilbab.

Sur scène, il y a Herka qui fait office de backer mais qui est un rappeur à part entière qui écrit très bien et avec lequel je m’entends très bien. Il y a aussi Dirtyfingaaz qui m’accompagne depuis maintenant deux ans et demi. Initialement, j’avais un DJ pas fiable. Juste avant de faire la première partie d’Hugo TSR, j’ai contacté deux DJs de Tours qui me paraissaient bons et c’est Dirtyfingaaz qui m’a répondu en premier. Maintenant c’est un bon pote, on ne se côtoie pas uniquement pour le son.

Herka a aussi sorti un projet avec Diez, un rappeur de Rouen, un projet sur lequel j’apparais en featuring « Vito Corleane »

C’est assez cool d’être sur scène ensemble et d’avoir des projets, cela permet d’évoluer, c’est intéressant. Sur le projet sur lequel je travaille actuellement, il y aura également Herka,

Dans «Pistes noires», vous citez à deux reprises «Busta Flex», on imagine qu’il fait partie de vos influences. Plutôt que de revenir à cette époque, pourriez-vous nous parler des rappeurs d’aujourd’hui qui vous font le même effet?

Il n’y en a pas. C’est l’âge et la nostalgie qui n’est plus la même. Ce n’est plus pareil. Je pense que même si j’écoute leurs nouveaux morceaux, cela ne me re-procurera pas les mêmes émotions. Lorsque tu es jeune, dès que tu écoutes un son cela te parle. Maintenant ce n’est plus pareil. J’avais lu un article que je trouve assez vrai, qui dit que musicalement tu n’es plus apte à découvrir de nouvelles choses ou à tomber amoureux d’un son après tes trente ans. C’est discutable, mais à cet âge on va moins vers de nouveaux styles.

Quelles sont vos influences et ce que vous écoutez en ce moment alors?

La dernière fois par exemple j’écoutais Pit Baccardi. Je vais facilement me remettre un Ärsenik. Il y a d’ailleurs un concert d’eux qui arrive prochainement. J’écoute « Euzèbe & Joël », le projet d’Herka et Diez en ce moment, « Saint Jacques » de Némir, j’aime bien le chant et je trouve que ce morceau est bien chanté. J’écoute aussi l’album de Dinos, la réédition.

Quel est votre rêve musical?

Mon rêve c’est de pouvoir faire une tournée au moins pendant un an, de ne faire vraiment que de la scène.

Et j’aimerais aussi que le projet soit écouté à sa juste valeur, qu’il tombe dans les bonnes oreilles, comme dans celles du public du Scred Festival par exemple.

Est-ce plus compliqué de percer lorsqu’on vient de Tours?

Tours c’est plutôt une grande ville, c’était d’autant plus compliqué dans mon village. À Tours, on a tout de suite été remarqués, mis en valeurs. Il y a plein de petites structures qui se bougent pour leurs artistes locaux. Mais c’est sûr qu’il y a une frontière avec les autres villes et que ce serait différent si nous étions à Paris. Pour tourner, le côté financier est problématique. Quand tu es de Tours, il faut te défrayer à minima, et cela revient donc plus cher que de programmer des artistes de la ville où se déroule le concert.

Il y a des gens qui organisent des soirées sur Paris, mais entre deux artistes peu connus, dont un qu’il faut défrayer, le choix est vite fait. C’est assez compliqué.

Pour finir, auriez-vous une punchline pour que l’on vous garde en mémoire?

Je n’ai pas de punchlines, mais si on parle d’une phrase je répondrais : « …j’reste vrai recto-verso depuis la 7k… » ou « … un chardon dans la poigne ils s’éloignent du charme des bas-fonds/ c’est pour la gloire qu’on part au charbon / pas pour la maille… »

Nous remercions Maxwell pour le temps qu’il nous a accordé et vous invitons à découvrir son projet « Pistes noires ».

Crédit Nina Magdas

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Léa Sapolin
Rédactrice en chef adjointe et webmaster du Magazine.
Passionnée de HipHop français et de musique à textes, en charge de la partie rap du magazine depuis mes 11ans.
Chargée de communication à mon compte et chef de projet Web à Oxatis.
Projet perso en cours : www.omega-13.fr

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