Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, nous sommes tous contraints de constater que Lord Esperanza perce la toile et se fait entendre. En peu de temps, il a su montrer sa pluralité artistique et trouver son public.

Certains l’ont catalogué de « Iencli », terminologie dédiée aux « Bobos rappeurs » venus s’accoler aux artistes tels que Lomepal, Eddy de Pretto, et toute cette scène HipHop dénuée du côté underground.

Personnellement, je suis justement adepte de ce côté underground qui tend à disparaitre. Rien d’étonnant alors, si je vous dis que Lord Esperanza ne m’avait jusqu’à présent jamais interpelée. J’avais assisté à quelques minutes de son show lors de son passage à Marsatac, et il ne m’avait pas convaincu.

Mais triste est celui ou celle qui n’analyse pas un phénomène dans son intégralité. J’ai donc pris le temps de découvrir son univers pour finalement être séduite par certains titres et constater la technicité de l’artiste ainsi que son réel talent.

De passage à Marseille, à l’Affranchi, Lord Esperanza a accepté mon interview et m’a permis de redécouvrir sa prestation scénique qui, cette fois, m’a touchée.  L’arrivée était soignée, le public chaud dès les premières notes. Les paroles sortaient de la bouche de l’ensemble des présents. La gestuelle et la prestance de l’artiste n’avaient rien à envier aux plus grands. Même les silences étaient maîtrisés. Ses classiques se sont enchaînés et une exclue du futur album a été présentée. Le mec a de la voix, du professionnalisme et une réelle connaissance artistique, un bon combo pour faire sa place sur la scène musicale française.

Mais plutôt que d’en parler, voici ce que lui nous dit :

Pour vous présenter, pourriez-vous choisir trois valeurs qui vous tiennent à cœur et trois titres qui les mettent en avant ?

La loyauté, le courage et l’amour.

« Si l’erreur est humaine. Peut-on affirmer que l’être humain est une erreur »

« J’ai passé des nuits à chercher qui j’étais. Un homme le devient quand on lui dit « Je t’aime » »

« Si le peuple tue Marianne, parlerons-nous d’un crime pationnel »

Quel a été le titre le plus dur à écrire sur toute votre carrière et pourquoi ?

Je pense que c’est celui que je n’ai pas encore écrit puisque j’essaie toujours de me surpasser. Mais si je devais en citer un, je dirais un des morceaux présents sur mon futur album, le titre « Chateau de Sable » qui parle de ma relation conflictuelle avec mon père.

Votre père l’a-t-il écouté ?

Non

Avez-vous peur qu’il l’écoute ?

Oui et non. Oui dans un sens, mais en même temps c’est la suite logique C’est un titre que je n’ai pas encore sorti.

Quelles sont selon vous les étapes/paliers et/ou opportunités qui vous ont permis d’en arriver là ?

Il y a quatre facteurs : le travail, la chance, les prédispositions et le réseau, l’entourage. Le quatrième point est le plus important. Après je ne suis pas arrivé là où je voulais, ce n’est que des balbutiements et il reste plein de choses à faire.

Justement, dans un interview vous disiez avoir une équipe de pro pour vous entourer et que sans cela vous n’auriez pas percé. Selon vous qu’est-ce qui n’aurait pas eu lieu sans eux et que vous ont-ils apporté ?

Cela n’a pas toujours été le cas. Le fait d’avoir commencé en indépendant m’a obligé à acquérir une sorte de rigueur, une forte volonté d’autodépassement et une vraie exigence envers moi-même. Et avec le temps, quand les professionnels ont commencé à m’accompagner, que ce soit des compositeurs, des réalisateurs, etc. cela devient quelque chose de plus explosif dans le sens où les idées fusent. Et de plus, cela prend une portée humaine puisque j’ai la chance de travailler avec des personnes qui sont devenues professionnelles avec moi, à part bien sûr les personnes de l’administratif et du label. Sinon ce sont uniquement des gens de mon âge, on apprend ensemble.

Si je ne me trompe pas, dernièrement il y a eu trois projets : « Polaroid », « #lordesperanzadanstaville », et « Internet ». Si on joue au jeu des sept erreurs pour distinguer la singularité des projets, que choisiriez-vous comme divergences ?

« Polaroid » était un mélange de plein de choses non maîtrisées. Il y a deux/trois morceaux que j’aime beaucoup, mais, dans l’ensemble, c’étaient plein de tentatives. J’avais envie d’aller à droite à gauche pour montrer aux gens que je n’étais pas enfermé dans un spectre trop rapologique.

#LordEsperanzaDansTaVille c’était vraiment pour servir l’image. Tout a été fait avec dix réalisateurs dans dix villes différentes tout au long de la tournée. L’idée était de faire voter la communauté pour leur réalisateur préféré et le gagnant s’est vu remettre un budget pour réaliser un clip sur le prochain album, mon premier album d’ailleurs.

Et ensuite « Internet » est un EP plus condensé. Il y a beaucoup moins de chansons que les deux précédents. J’ai essayé de garder le meilleur de ce que j’avais fait. Et je pense que c’est la dernière étape avant mon premier album qui sortira juste avant l’été. Ce sera mon premier album dans le sens propre du terme. Je pense qu’avant je n’étais pas prêt.

Ce qui va différencier ce projet des autres c’est que celui-ci a une portée beaucoup plus personnelle avec des chansons qui décrivent des schémas de vie que je n’avais jamais évoqués auparavant, notamment cette chanson qui parle de mon père. Il est différent également quant au choix de production puisqu’il a été entièrement réalisé par Majeur-Mineur, mon acolyte qui m’accompagne sur scène. Il y a aussi de nouvelles tentatives musicales que je n’avais jamais abordés avant cela.

Cet album est donc prévu pour mai et s’appelle « Drapeau Blanc »

Lord Esperanza a d’ailleurs publié le premier extrait de cet album cette semaine :

Vous parliez de la scène avec Majeur-Mineur qui vous accompagne. Puisque vos projets sont très musicaux, j’aimerais savoir si vous êtes accompagné de musiciens sur scène ? Et si ce n’est pas le cas, est-ce que cela le sera un jour ?

Ce n’est pas encore le cas. Chaque chose en son temps, cela coûte de l’argent. Mais c’est la prochaine étape. C’est une volonté inhérente au développement du projet.

Et idéalement, quelle serait la composition de vos rêves ?

Je dirais que ce serait un orchestre, avec une chorale immense de gospel, un orgue et de la harpe, c’est très important la harpe.

(rires)

Plus simplement, une formation avec un batteur, un claviériste, un guitariste, deux/trois choristes, et c’est peut-être moi qui ferais un peu de piano, après avoir repris des cours, car j’ai dû perdre les bases.

Cela me permettrait de relâcher un peu entre le morceau. Pour le moment il n’y a que la prod et moi et je dois maintenir les gens dans l’énergie. Dès que je bois ou qu’il y a un peu de silence, ça crée des petits mous qui finalement pourraient être comblés par des jams à la fin des morceaux, des solos de guitare.

Pourriez-vous nous raconter la naissance du morceau « Roi du monde » ? Et est-ce que les autres morceaux ont tendance à naître de la même façon ?

Ce morceau a une histoire bien différente des autres. Déjà géographiquement, il a été écrit dans un désert, à la frontière entre Israël et Palestine, le désert de Negev. C’était un moment important parce que j’aborde des choses que je n’avais jamais évoquées avant, notamment l’anecdote avec mon père qui, il y a quelques années a tracé une courbe avec une abscisse et une ordonnée, en indiquant tous les artistes que j’idéalisais en haut de cette courbe et en m’expliquant que je resterais en bas, que je n’aurai jamais la chance de connaître le succès ou du moins d’y arriver. C’était touchant.

Et surtout, à la fin du morceau, j’ai enregistré trois personnes différentes, une jeune fille qui parlait arabe, un homme israélien d’une quarantaine d’années et une amie à moi, américaine. Je voulais qu’il me donne leur vision de l’amour. Ce sont ces trois visions de ces trois êtres humains bien différents.

Et pour finir, c’est une chanson importante, car c’était une des premières fois ou je faisais un morceau qui est énergique dans la forme : avec de la trap, une interprétation assez rugueuse, et des flows assez incisif. Mais les textes sont quant à eux très introspectifs. Cela a donné une nouvelle manière pour moi de conceptualiser ce genre de rap. J’avais plutôt tendance à mettre des textes un peu plus légers, ou plus egotrip comme on dit, l’art qui consiste à dire qu’on est le meilleur. C’est une chose qui me lasse de plus en plus, donc je pense que je vais faire plutôt du rap introspectif.

Cette chanson a donc été conçue d’une façon très spécifique. Quel est le schéma classique ?

Souvent des amis compositeurs m’envoient des instrus. Moi j’écris dessus, je trouve des mélodies, parfois j’ai des envies. Dans ce cas-là, je leur dis que je verrais bien tel ou tel arrangement sur la prod par exemple. Mais je me laisse surtout porter par la créativité de mon acolyte Majeur-Mineur.

Il n’y a pas vraiment de science pour concevoir un morceau, c’est ce qui est cool et fascinant à la fois. On ne peut pas prévoir, ni anticiper, ni spéculer. C’est vraiment cool. Il m’arrive beaucoup d’écrire dans les transports en commun. J’ai des amis qui m’expliquent qu’ils ont besoin d’écrire seuls chez eux. Je le fais aussi, mais ce n’est pas forcément le seul moment. Le matin je suis inspiré mais j’ai des choses à faire donc je vais peut-être tomber dans le cliché, mais j’écris plus le soir.

Je remercie Lord Esperanza pour cet échange, ainsi que son service presse et je vous invite à découvrir le futur album de l’artiste qui, de par son aspect plus personnel, devrait nous épater.

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Léa Sapolin
Rédactrice en chef adjointe et webmaster du Magazine.
Passionnée de HipHop français et de musique à textes, en charge de la partie rap du magazine depuis mes 11ans.
Chargée de communication à mon compte et chef de projet Web à Oxatis.
Projet perso en cours : www.omega-13.fr

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