Rendre justice à une artiste qui aura marqué son époque sans jamais vraiment avoir la reconnaissance qu’elle aurait mérité. Sur ce postulat, Simon Clair, journaliste spécialisé musique, remonte le temps et reconstruit l’histoire de Martine-Elisabeth Mercier – de sa mère -, Descloux – de son père, qu’elle n’a pas connu. Si l’on a vécu les années 80 à Paris, et que l’on fréquentait le quartier des Halles, du Forum, et de toute cette vie qui grouillait alentours, on se retrouvera facilement dans ces pages. Le point de départ de Lizzy, qui y est née, le 16 décembre 1956, à l’heure où l’on démontait Les Halles, jusqu’à la fin de son adolescence où elle fréquentait ces fameuses boutiques dans lesquelles on pouvait découvrir les imports vinyliques, mais aussi des badges, des t-shirts, les prémices de l’actuel merchandising : l’Open Market, puis Harry Cover. Ce dernier est tenu par Michel Esteban qui va devenir le compagnon de Lizzy, alors qu’il revient de New-York, où il a rencontré Iggy Pop, Patti Smith, le MC5, la crème du mouvement punk naissant. Il y retournera, avec Lizzy, jeune fille au look détonnant, identité remarquable déjà à Paris, tout aussi appréciée et considérée à New-York, devenant la French Connection (dixit Patti Smith) pour « tous les marginaux cultivés et assoiffés de liberté ». Liberté, certainement le mot le plus approprié à résumé la courte vie d’une artiste qui aura assumé un parcours sans concession, donc forcément, sans toujours bénéficier d’un retour censé et valorisant. En cela la démarche de Simon Clair permet de repositionner Lizzy dans l’histoire. Richard Hell, chanteur des Heartbreakers a eu une liaison avec Lizzy. Il raconte dans sa biographie la rencontre, le coup de foudre. Et l’on comprend l’incidence sur l’entourage de l’attitude spontanée de la jeune fille et de son art de foncer. On peut la connaître uniquement pour cette fameuse chanson beaucoup passée sur les ondes radiophoniques dans les années 80 : « Mais Où Sont Passées Les Gazelles », une adaptation en français d’un titre africain signé Obed Ngobeni & Kurhula Sisters. Mais c’est toute l’aventure qui a amené à l’enregistrement de ce disque qu’il est important de découvrir pour comprendre l’incidence historique. L’album est enregistré en Afrique du Sud à l’issue d’un voyage initiatique où Lizzy aura traversé le continent, de l’Egypte à Johannesburg, pour s’imprégner des cultures locales. « Zulu Rock » est d’abord le fruit d’une lutte symboliquement emportée par Lizzy, puisque musiciens noirs et chanteuse blanche ont pour la première fois travaillé ensemble dans un même studio. Et ces chansons ont précédé d’un an la sortie du fameux « Graceland » de Paul Simon et de peu l’officialisation du terme world music en tant que concept commercial par Peter Gabriel. Donc comment ne pas penser qu’un impact « Zulu Rock » aura fait mouche ? Le livre de Simon Clair permet de mieux prendre conscience des aléas de la sphère artistique musicale, ainsi de mieux connaître le parcours de Lizzy, voire de le comprendre. C’est avant tout un très bel hommage mérité et méritant à une artiste qui aura su porter ses rêves avec une très belle et sincère aura, et qui n’aura bénéficié d’aucune reconnaissance réelle ni valorisation. Lizzy est décédée à 47 ans, seule, dans le plus grand dénuement, des suites d’une maladie. Le chapitre introductif, « Nuit noire », rend justice à lui seul à l’artiste. Patti Smith, en rendant hommage aux légendes disparues, termine sa liste (James Marshall Hendrix, Jim Morrison, Janis Joplin, Brian Jones, Joe Strummer, Kurt Kobain), par Lizzy Mercier Descloux, seul nom sur lequel le public ne réagit pas, mais excusez toutefois du peu. Richard Hell la considérait comme « vraiment spectaculaire : mi-carnivore, mi-gibier, tout droit sortie d’un épisode de La vie des animaux, avec un magnétisme amoral de bête sauvage. Une énigme vivante. » Zulu Girl !

Patti Smith et Lizzy Mercier Descloux
Pochette de l’album « ZOULOU ROCK »
Simon CLAIR, l’auteur

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Marc Sapolin
De l’organisation de concerts aux interviews d’artistes il n’y avait qu’un pas. Plus de vingt-cinq ans de rencontres avec les artistes et toujours la passion de la découverte.

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