Voilà une artiste sur laquelle il convient de s’attarder quelques instants. De ces instants où l’on se concentre tout simplement sur son sujet. Car un disque de Manu, ce sera toujours plus qu’un simple alignement de chansons. Plus que le témoignage d’une période de vie marquée par un ou plusieurs événements. Manu avance artistiquement, comme un peintre entre en quasi apnée dans des périodes créatives très précises. On peut se permettre de parler de concept, sauf qu’ici la part de naturel marque d’une intense authenticité un résultat aux effluves de liberté. Liberté parce que Manu peut – et ce qui va suivre ne doit surtout pas être pris en négatif -, partir dans tous les sens. De ces sens qui permettent d’aborder la vie au plus près de tous ces instants, les meilleurs comme les plus difficiles, les plus beaux, la tristesse parfois, tout en restant ancrés dans le quotidien. Beaucoup de sons « naturels » parcourent cet enregistrement fort au total de vingt titres constituant la synthèse aboutie et mature d’une chanteuse-auteuse-compositrice à la créativité accomplie. « Son avancée est un passage Seul mouvement autour de rien », les six secondes de l’introduction se retrouveront en fin d’album, en guise de refrain de « 76 Points », chanté en anglais. Du constat d’une époque gagnée par le pessimisme (« Regarde ») à cette résolution de finalement se laisser flotter hors de tout contrôle loin de toute réalité (« 76 Points » toujours), Manu évoquera beaucoup notre époque dont l’actualité focalise sur une terre en danger avec ce fort parallèle qui place les humains dans une grande incertitude, quant au futur, quant au présent, quant à la vie tout court. Alors Manu fonce, exprime l’ensemble de ses sentiments, fait le constat d’une vie qui doit se vivre (petit clin d’œil à l’album de La Grande Sophie qui parait à la même période et qui traite aussi de ce genre de propos, vu sous l’angle de la cinquantaine). Il y a beaucoup d’espoir dans ce disque. Parce que nous sommes là et que cela en vaut la peine. Manu s’est éclatée à formaliser tout l’univers qui grouille en elle et la rend si vivante. Du rap avec Yaz sur « Lalala », son, esprit rock-pop toujours présent et magnifié avec des titres tels que « L’Horizon » et ses guitares claires, « Mordre La Poussière » et son refrain accrocheur, compressé et débridé avec « Tout Est Parfait », ou encore ce poppy « Nino » qui bascule soudain sur la ligne de basse de « Sweet Jane » d’un certain Lou Reed. Et puis, un esprit plus flâneur avec « Partir », « M’Aime Pas En Rêve », ou encore « Moments Doux », chansons toutes aussi excellentes. Cet album est très construit. Manu préférerait qu’il soit écouté « dans l’ordre ». Son lot bienvenu de bricolages sonores complète ces univers intérieurs que dévoilent des textes relativement courts, mais aptes à laisser chacun vaquer à ses rêveries personnelles. Et puis, Manu est aussi férue de culture japonaise et nous en fait profiter, comme c’est le cas dans « La sonate », l’un des plus beaux titres de ce disque, pour sa construction, ses changements de rythmes, sa créativité, ses sonorités, sa guimbarde. So, Arigato Gozaimasu Manu !

Photo Jipe Truong

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Marc Sapolin
De l’organisation de concerts aux interviews d’artistes il n’y avait qu’un pas. Plus de vingt-cinq ans de rencontres avec les artistes et toujours la passion de la découverte.

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