Ils démontent les scènes et font leurs apparitions partout dans Marseille et ses alentours. Tel un 4X4 tout terrain, The Crush dompte la musique, le public et la scène avec aisance, et propose un rap aux tonalités variées. Derrière The Crush, se cache le parolier K.Méléon et le beatmaker Pak Dj’Een. Issus tous les deux du groupe La Méthode, ils proposent une alternative musicale qui n’a pas encore vu le jour sous forme d’album. Leurs apparitions live sont nombreuses, alors qu’en parallèle un gros point d’interrogation se dessine : où est l’album ? Comment peut-on ré-écouter The Crush en dehors des lives ? Quelle est cette composition qui voit le jour ?

Extended Player a décidé d’en savoir plus et de mener l’enquête auprès des deux protagonistes du groupe.

 

Bonjour à tous les deux.
Pour commencer, pouvez-vous vous présenter ?

Pak Dj’Een : K.méléon et moi on se connait depuis longtemps, cela doit faire 18 à 20 ans. D’abord, nos étions danseurs en binôme, et après il y a eu la musique.
Comme La Méthode était en pause, on a enregistré des morceaux ensemble et tout est parti de là.

K.Méléon : Philipe Lemaire s’est occupé de nous pendant un temps, à l’époque de La Méthode, il avait le nom « The Crush » en tête et nous l’a proposé. « The Crush » veut dire « Écraser », « Froisser », « Bousculer », et c’est vraiment la sensation que l’on a lorsqu’on nous écoute : le visage qui se plie, qui se froisse. On trouve que ce nom fonctionnait bien avec notre délire donc nous l’avons gardé.

 

Dans cette combinaison quel est le rôle de chacun ?
On a eu la chance de vous voir sur scène à plusieurs reprises, on constate que votre prestation scénique a plusieurs formats. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Pak Dj’Een : The Crush c’est K.Méléon et moi. Il y a la formule classique où je suis derrière les machines et où K.Méléon est là en tant que MC et où l’on inverse les rôles de temps en temps. Ce projet est vraiment le fruit de notre association, c’est un vrai binôme.

Je fais les beats, mais pas uniquement, et K.Méléon écrit les textes, mais pas uniquement non plus. C’est vraiment un projet qui est réfléchi et qui, en même temps, est dirigé par le feeling. On ne rentre pas dans des stéréotypes tels que celui du beatmaker qui fait son truc derrière sans partager. C’est une musique, un style de vie, une manière d’être sur scène. On fait ça tout en étant des artistes, bien entendu. On ne fait pas ça pour les gens, mais plutôt pour nous-mêmes. On estime que dans notre envie et manière de nous exprimer, d’autres personnes se reconnaîtront. On partage un rendu artistique, des tableaux. C’est une vitrine des lives. Des fois on partage de l’amour, des fois de la haine, des fois c’est ambigu. On reste dans nos sentiments. La musique qu’on crée, c’est la vitrine des sentiments que l’on a tous les jours. On s’est donné une carte blanche pour faire ce que l’on souhaite : exprimer nos sentiments de la manière qu’on le souhaite. On veut vraiment rester dans l’égoïsme artistique. On a créé une identité dans ce sens-là et on veut garder cette direction. Mais comme c’est spontané, rien n’est définitif et défini.

K.Méléon : C’est vraiment ça, c’est la rencontre de deux artistes bien plus que la rencontre d’un MC et d’un producteur. C’est un tout. Il a autant la parole dans les textes que moi j’ai la parole dans la production. C’est pour ça que sur scène on remarque qu’on est autant mis en avant l’un que l’autre.

Pour revenir à ta question sur les formules, en effet on en a plusieurs. On a une formule à deux comme le disait Pak Dj’Een, avec l’ingé son bien sûr. On a une formule à trois pour le live avec Fred, Labo Klandestino, à la guitare. On a également une formule à quatre, toujours pour le live, avec Fred à la guitare et avec le batteur K’ptain.

 

Vous avez choisi de défendre le projet sur scène avant de sortir un premier clip et avant de sortir l’album, pourquoi ?

Pak Dj’Een : On est issu de la danse, et en tant que bons adeptes de HipHop, lorsqu’on découvrait des artistes, on les découvrait sur scène. Le HipHop à l’époque c’était avant tout défendre son art sur scène. Aujourd’hui ce n’est plus le cas : le virtuel prime, les artistes sortent des clips, il y a tout sur les plateformes. Nous on reste sur quelque chose de basique. On défend le projet sur scène et on veut vraiment être « vivants ». Sur un CD tu n’as pas le même rendu, l’énergie n’est pas transmise de la même manière. On estime qu’à chaque scène, notre son, notre proposition est différente. C’est ce qui nous intéresse. La scène nous fait kiffer autant que d’être en studio. Toute la stratégie de communication, le fait de devoir poster plein de trucs sur les réseaux sociaux, tous ces trucs-là, on estime qu’en vrai ce n’est pas à l’artiste de le faire. L’artiste se consacre à la musique.

K.Méléon : En fait, c’est une volonté de notre part de faire un retour aux sources. C’est la base. Quand on a commencé la musique, c’était par du live. C’est dans un second temps qu’on a commencé à entrer en studio, à enregistrer. À la base on est des artistes de scène et on aime ça.

Pak Dj’Een : C’est plus fort que nous en fait !

Aujourd’hui il y a des artistes qui arrivent sur scène et qui ne savent ni rapper ni chanter. Normalement ce que tu proposes doit être bon, ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est un point de vue, mais ne pas savoir rapper et cacher le tout avec de l’autotune ce n’est pas ce qu’on aime. On sait que ce n’est pas le point de vue de tout le monde, mais c’est le nôtre. C’est très certainement lié à une question de moyens. C’est vrai qu’aujourd’hui c’est plus simple d’avoir des instrus et d’aller en studio. À notre époque, faire des instrus, c’était chaud. On n’avait pas tous un ordinateur. On se démerdait avec des Faces B parce qu’il n’y avait pas de voix. Du coup, on se concentrait sur la rime et les textes puisque la musique était moins accessible. Aujourd’hui on arrive à entendre des artistes qui ne sont pas dans les temps. Ils finissent par apprendre sur le tas, mais ça diffère de la manière dont nous on a appris à travailler. Aujourd’hui, on aura tendance à dire de quelqu’un qui fait les choses proprement que c’est un génie, alors que c’est un mec normal. On peut partir loin dans ce débat donc je vais me stopper là (rires).

K.Méléon : Pour revenir à ta question, on est arrivé avec un concept live qui s’appelle « Sauvage tour ». On faisait des interactions sur les réseaux sociaux, via Facebook surtout. On mettait en place des petits rébus, des petites devinettes pour que les gens puissent trouver des lieux dans lesquels on allait jouer. Et les lieux n’étaient pas forcément des salles, cela pouvait aussi être tout simplement en extérieur. C’est de cette manière qu’on a lancé le projet.

 

Votre premier extrait est « Enragés », on sent qu’il y a un aspect un peu « anti-société », est-ce le message que vous souhaitiez faire passer ?

 

K.Méléon : Je vais en parler puisque j’ai écrit le texte. Concrètement le message c’est « Faites vous plaisir, il faut vraiment en profiter pendant qu’on peut encore le faire, pendant qu’on a le choix et le temps ». Parce que, oui, les médias, la politique, tout ce qui se passe en ce moment, est en train de faire que la balance ne va pas dans le bon sens. Le message est donc de faire les choses ensemble, de kiffer, de s’entraider, de faire sa passion à mort avant de tout péter (rires).

 

Pouvez-vous prendre un des sons que vous défendez sur scène et nous expliquer sa naissance ?

Pak Dj’Een : Pour continuer dans la même thématique, société et média, je choisirais le morceau « Une vie/Deux visions ». Tout est parti d’un sample que j’avais retravaillé. Je ne l’aimais pas spécialement.

K.Méléon : Sauf que moi quand je l’ai écouté j’ai dit « Quoi!!!! Ce son il tue mec, il ne faut pas le laisser comme ça ». Cela m’a inspiré tout de suite. J’ai donc écrit les deux couplets. Puis quand on est passé aux arrangements, on a eu l’idée de faire intervenir un musicien, Labo Klandestino. Il a fait des arrangements à la guitare.

Pak Dj’Een : Il a produit plein de trucs. Il y a pas mal de choses que j’aimais bien et que je voulais réutiliser. On est parti sur un aspect « années 70 » avec des solos de guitare.

Dans ce morceau, on parle de la vie dans les quartiers et de sa façon d’être perçu par les politiques. On a souhaité agencer cela de manière à laisser parler la musique. On retrouve donc dans le titre un aspect « musique de film ». On a donné cette couleur-là volontairement de façon à ce que la musique et les textes nous fassent voyager. On a voulu utiliser des mots simples, ne pas faire les scientifiques. On a voulu vraiment donner notre point de vue, ni plus ni moins. On ne voulait pas faire de la littérature, mais trouver un juste milieu pour dire ce que l’on a à dire. Et le concept de The Crush c’est ça.

K.Méléon : Sans oublier que l’on met vraiment en avant la musique. Le texte fait entièrement partie de la musique. Pour nous, ce n’est pas un projet rap, ce n’est pas un solo, pour nous c’est de la musique avant tout.

Pak Dj’Een : La musique doit aller avec le texte et le texte doit coller à la musique.

K.Méléon : Et on ne se restreint pas. Si un jour on souhaite mettre un solo de batterie on le fera, ou un solo de harpe, ou de n’importe quoi d’ailleurs. On ne s’interdit rien.

Pak Dj’Een :  Il faut que cela corresponde et que cela soit cohérent, notamment dans le choix des gammes. Le but est de donner une image, permettre que, lorsqu’on écoute le morceau en étant posé, cela procure le même effet qu’un bouquin. On veut faire en sorte que le public puisse s’imaginer quelque chose. On veut travailler cet imaginaire. Chaque mélodie et chaque accord sont pensés et doivent se combiner. C’est un procédé que l’on applique.

 

Jeudi vous faites la première partie d’Hippocampe Fou avec Iraka. Vous parler de « Battle », qu’entendez-vous par là ?

K.Méléon : Plus qu’un battle, c’est un fil conducteur, un fil rouge pour pouvoir présenter deux entités qui font la même musique, mais avec deux façons de faire différentes : différents mots, différentes formes, différentes musiques. Justement c’est intéressant de travailler avec Iraka parce que, même si on fait la même musique, on la voit différemment, et on la présente différemment. C’est intéressant et au final c’est plus un combo qu’un battle. Le fait de mettre « Battle » intéresse les gens, on se dit « Ça va clasher, c’est sale ! » Mais en fait, c’est plus une rencontre, un échange, quelque chose que l’on fait ensemble. Le fil rouge c’est le battle.

 

Pour finir, puisque le projet est arrivé avec des énigmes, peut-on clôturer l’interview avec une énigme ?

K.Méléon : Humm… une énigme qui pourrait définir l’album

Pak Dj’Een : Je dirais « L’envolée » !

 

Pour continuer dans l’état d’esprit « The Crush » et s’opposer au stéréotype qui tend à mettre le Mc au premier plan et le beatmaker au second, nous souhaitons partager avec vous les « reportages » créer par Alpha Beat dédié au beatmaking, et notamment l’épisode sur Pak Dj’Een. Les vidéos rendent compte de ce qu’est le beatmaking et de comment est conçue et perçue la musique par un beatmaker. Un concept simple qui met en avant un art méritant d’être aussi valorisé que l’écriture :

 

Nous remercions Pak Dj’Een et K.Méléon pour le temps accordé et les laissons repartir en studio.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Léa Sapolin
Rédactrice en chef adjointe et webmaster du Magazine.
Passionnée de HipHop français et de musique à textes, en charge de la partie rap du magazine depuis mes 11ans.
Chargée de communication à mon compte et chef de projet Web à Oxatis.
Projet perso en cours : www.omega-13.fr

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