« Trois mois, trois semaines et deux jours », soit la durée du premier mariage de Bill Pritchard, titre qu’il donne à son disque paru en 1989 et réalisé par Etienne Daho. Le chanteur et guitariste anglais en était alors à son troisième album studio. Originaire du Staffordshire au Royaume-Unis, il a toujours eu un faible pour certaines références culturelles françaises. Question musique, Françoise Hardy en tête de proue, mais aussi, plus étonnant, Véronique Samson, qu’il cite d’ailleurs dans le titre « Grey Parade » – qui ne figure pas sur cet album. Mais il n’y a pas que la musique. Bill Pritchard est à sa façon très engagé dans le fonctionnement d’un monde dont les ambitions dirigées par le capitalisme lui déplaisent fortement. Il réfute définitivement les formes encore présentes de colonialisme en Angleterre. C’est tout cela qui fourmille au travers de ses chansons. Pour n’en citer qu’une, parmi les plus pop et dynamique, soit « The Invisible State », il rend hommage à Joséphine Baker et plus précisément à son engagement quant à la défense de ses frères de couleur et à la volonté qui l’a poussée à soutenir haut et fort l’indépendance féminine. Ce titre est le second de l’album. Un tube en puissance avec ces sonorités typiquement eighties, mais finalement ô combien toujours d’actualité et d’époque. Il était précédé du tout aussi énergique « Tommy & Co », où l’on peut reconnaître Françoise Hardy dans les chœurs. Tout cela pour dire que d’un côté, malheureusement, le monde ne va toujours pas mieux. Et se dire que, d’autre part, ces chansons n’ont absolument pas vieilli, bien au contraire. Même un titre comme « Kenneth Baker », ministre de l’époque très critiqué, ne perd rien en dynamique.  Et puis il y a la puissance intime de ces ballades, telle que « Better To Be Bitter ». Quelques accords simples de piano, de légères envolées de cordes en harmonie, et cette voix si présente, un registre proche de celui de Chris Cornwell, des Stranglers, avec ce fond de basse prenant et imposant, néanmoins jamais dénuée de douceur. Idem pour « Sometimes », cette fois sur fond d’arpèges de guitare. Bill Pritchard, c’est à la fois un romantisme naturel, doublé d’une volonté farouche de conserver une nécessaire authenticité dans un monde qui se fourvoie dans tellement de domaines. Cela explique le retrait de l’artiste en territoire discret. Finalement, cet album apparaît comme un imparable. « We Were Lovers », « Romance Sans Paroles », « Nineteen », « Je N’Aime Que Toi », la chanson qui comprend la phrase du titre, mais aussi « La Ville », que l’on aura pu découvrir notamment chantée par Daniel Darc et Etienne Daho. Les arrangements de cet album datent de la grande époque de « Pour Nos Vies Martiennes » de Daho, et respirent du même élan sonore, très chaleureux et déterminé, sons clairs et dynamiques, de ceux qui savent transmettre ces plaisirs immédiats et impérieux propre à la musique dite pop.

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Marc Sapolin
De l’organisation de concerts aux interviews d’artistes il n’y avait qu’un pas. Plus de vingt-cinq ans de rencontres avec les artistes et toujours la passion de la découverte.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *