Davodka, c’est du rap comme on aime : il travaille le fond et la forme. On y retrouve des rimes chiadées, des jeux de mots et un côté revendicateur. Bref, tout l’attirail qui colle bien au « rap français ». Ses morceaux sont des condensés de critiques sociétales, de remises en question et de vécu narré.

Avec son dernier album « À juste titre », le rappeur passe un cap et rentre bel et bien dans cette classe de rappeurs « Adultes » qui traitent de sujets plus profonds tels que la paternité, l’amour, la famille.

Mais ce qui nous plaît le plus avec Davodka, c’est qu’il est toujours dans la transmission de valeurs. Il a gardé son âme d’adolescent, rappe comme s’il était dans une manif, quémandant un monde plus juste et rappelant à tous les idéaux qui l’ont éduqué et qui, malheureusement, commencent à se perdre dans ce monde où égo, consommation et argent mènent la danse.

Afin d’en savoir plus sur « À juste titre » et l’artiste lui-même, nous sommes partis à sa rencontre :

Puisque dans votre dernier album « À juste titre », il y a beaucoup de références à des personnages de films et de mangas, pourriez-vous nous citer trois de ces personnages auxquels vous pourriez vous identifier?

J’aime les mangas donc je vais choisir uniquement des personnages de mangas : Itachi Uchiwa de Naturo, Végéta de Dragon Ball Z et, pour le troisième, je dirais Ichigo de Bleach.

Ichigo c’est le gars qui s’ignore. Il ignore tout de ce qui se passe réellement. C’est un élève qui apprend. Itachi Uchiwa c’est le grand frère qui montre ses mauvais côtés mais qui, au fond, est quelqu’un de bon. Végéta c’est parce que je suis un grand fan. C’est le dur au cœur tendre.

Vous en êtes à votre 6e album si on compte celui que vous avez fait en groupe. Est-ce que vous pourriez nous expliquer le choix du titre de trois de ces albums en fonction de ceux qui vous semblent les plus importants à vos yeux aujourd’hui?

Ils sont tous importants, mais effectivement je dirais « Accusé de réflexion ». J’aime bien le jeu de mots et j’ai mis du temps à le trouver. Cela mentionne bien le fait qu’on dérange lorsqu’on réfléchit. Ce titre est assez fort. On ne peut pas aller à l’encontre de ce qu’on nous impose sinon on devient tout de suite quelqu’un de dérangeant. C’est ce titre-là qui me parle le plus.

Si je dois revenir un peu en arrière : pour le côté incisif et révolutionnaire, je dirais « Un point c’est tout ». C’est pour le côté tranchant.

Et après, ça se joue un peu à pile ou face, mais je dirais « À juste titre » car cela découle d’un réel changement dans ma vie. Je peux me permettre de venir raconter ces changements « à juste titre » justement.

En effet,  dans « À juste titre » on ressent vraiment un changement. Il y a une ouverture en terme de style,  et des nouveaux thèmes abordés. L’album semble plus profond et plus sensible, plus personnel et plus adulte également. Est-ce le fait d’être devenu père qui a apporté cette profondeur?

Certainement. Pour mettre en œuvre des thématiques telles que la famille, le couple, la paternité, il faut l’avoir vécu. Tout est emprunt de mon vécu. La paternité a déclenché beaucoup de choses, dont le titre « Petit miroir » avec Dooz Kawa. On est sur du personnel avec des images très précises. Donc oui, effectivement c’est être père qui a déclenché cette maturité dans les textes.

Justement, pourriez-vous nous raconter la manière dont a été écrit « Petit miroir » et est-ce que le feat avec Dooz Kawa est dû au fait que vous soyez tous les deux à Strasbourg?

Pas du tout. Dooz Kawa n’habite plus Strasbourg il me semble. Personnellement je suis de Paris et j’habite sur les deux villes, je fais beaucoup d’allers-retours pour le travail.

En fait, on a fait une énorme tournée ensemble pour propager le dernier album. Au final, humainement et artistiquement ça a marché. À la fin de la tournée, on s’est dit qu’on ferait un son ensemble, mais qu’on ne se presserait pas pour le faire. On a beaucoup parlé et on a fini par discuter du thème de la paternité. Je suis devenu père il y a trois ans maintenant et lui est père d’un enfant qui s’appelle Milo. Le mien s’appelle Milovan. C’est une belle coïncidence. J’appelle souvent mon fils par son diminutif, Milo. C’est une connexion qui a été très spontanée. Pour moi c’était évident de l’inviter sur cette thématique.

Et vous êtes-vous consultés pendant l’écriture du texte ?

Non, pas du tout. Ce sont des couplets très personnels que l’on a écrits chacun de notre côté. Je pense que ça se ressent d’ailleurs. Chacun a son vécu. On s’est consulté pour le refrain et évidemment on a validé la prod avant de lancer la thématique.

La thématique des relations revient souvent. Pourriez-vous nous parler du morceau « Point de rupture » ?

Pour moi l’amour était une thématique très difficile à aborder. J’ai du mal à mettre beaucoup de bonheur dans mes textes. Donc j’ai attaqué sur la rupture. Forcément c’est une expérience personnelle, mais c’est assez romancé avec les histoires parallèles de mes amis, des constats. C’est un scénario qui malheureusement se passe souvent dans les couples et donc facile à retranscrire.

Quand vous dites « Aimer c’est prendre des risques et je ne compte plus retourner dans ce tourment », est-ce personnel ou toujours de l’ordre du storytelling?

Toujours du storytelling. Mais je me suis déjà retrouvé dans cette situation où j’en ai eu marre de confier mon cœur à quelqu’un qui en fait n’importe quoi. Je me suis déjà retrouvé dans une de ces périodes de déception pendant laquelle on créé des barrières pour ne pas aimer à nouveau et surtout pour ne pas se retrouver dans ce schéma amoureux. Mais là on parle au passé, on parle d’expériences.

« Matrice » a été un des premiers morceaux clippés. Pourrait-on connaître les raisons de ce choix?

Il est très inspirant au nouveau de l’image. On cherchait des clips à faire et Tekilla (Emtooci) a tout de suite matché avec ce titre. Moi je souhaitais mettre en avant les différences entre cet album et celui d’avant et ce titre fonctionnait bien à ce niveau-là. C’est un titre très engagé et en même temps très différent de ce que je faisais avant au niveau des sonorités. C’était évident pour moi de le mettre en avant.

Dans ce morceau vous critiquez l’impact des réseaux sociaux dans nos vies. Il y a systématiquement une révolte contre la société dans tous vos albums. Donc, si vous aviez deux souhaits à réaliser pour changer la société ce serait lesquels?

Je ne pense malheureusement pas avoir ce pouvoir, mais je dirais garder les vraies valeurs et supprimer tout ce qui est dans la culture du paraître. C’est un petit peu le pouvoir des réseaux sociaux où on s’expose devant un écran et où on espère vivre un instant. En général sur des stories Instagram on ne met que les instants positifs alors que la vie ce n’est pas que ça. C’est notre façon d’être un peu remarqué et star aux yeux des autres. Tout le monde le fait et prend exemple sur les autres.

Le deuxième, ce serait d’avoir une réelle égalité. C’est compliqué car on est tous égaux en France soi-disant, mais en vrai on ne l’est pas du tout. Il y a très peu de temps par exemple que les femmes sont acceptées comme les hommes et ont les mêmes droits, et il y a encore du travail à faire à ce niveau-là. Donc effectivement une vraie égalité ce serait bien.

Côté instru, il y a plus de producteurs présents sur cet album par rapport aux précédents. Qu’est-ce qui vous a motivé à travailler avec eux?

Alors j’ai des affinités avec certains, notamment Itam avec qui j’avais déjà travaillé sur le précédent projet. J’ai Saligo, qui est mon DJ et qui est à la tête de trois instrus : Cyborg, Enfant du monde et Jalousie, des prods très différentes les unes des autres. Après c’est clairement du travail collectif.

Il y a aussi Greenfinch : gros gros talent que j’avais entendu avec Dooz Kawa, Furax, Scylla et plein d’autres. Il est polyvalent avec des prods évolutives et pas uniquement boom-bap. Il touche à tout. Ça fait plaisir de ne pas se limiter. Je kiffe le boom-bap mais ça m’amuse d’aller plus loin.

J’ai bossé avec des beatmakers qui ne sont pas connus également. J’ai sélectionné les prods par coup de cœur comme celle de Matrice qui a été faite par ADG Melo. Je n’avais jamais entendu parler de lui. J’ai fait un appel sur internet et il a répondu présent, ça collait clairement au thème : un peu robotique dans l’esprit, je l’ai sélectionné directement 

Il y a aussi Misère Records qui a fait « Accusé de réflexion ». Sur cet album il a fait « Sama », « Dernière tournée », « Exercice deux styles ». On est sur du très gros boom-bap, piano violon. C’est un grand passionné des machines et ça s’entend dans sa manière de travailler. Pour moi c’était évident de remettre le couvert avec lui.

Moi aussi j’ai fait des prods sur cet album. J’ai fait « Pulsion textuelle ». Je voulais en remettre une couche, tout comme je l’avais fait dans « Accusé de réflexion », un peu à l’image de « Fusée de détresse ».

Vous vous démarquez avec vos jeux de mots et votre fast-flow. Lorsque vous écrivez ces passages en fast-flow dans quel état d’esprit êtes-vous?

J’adore faire du fast-flow depuis un petit bout de temps. Des fois j’en abuse même, mais à bonne escient, en essayant de mettre du texte dedans même si les gens ne comprennent pas tout. Je comprends que ça ne soit pas facile à comprendre ou qu’on n’en ait pas envie. Mais c’est une des options qui me permet de ne pas rester figé sur le même flow et de ne pas m’emmerder en fait. Et sur scène ça me permet de créer une réelle attraction, c’est un peu comme des montagnes russes. Je trouve vraiment ça très puissant en concert. Moi j’aime vraiment ça, et travailler l’articulation.

Dernière question, est-ce qu’il y a des projets à venir ?

Il y a un média qui a communiqué sur le fait que j’allais arrêter, mais c’est complètement faux. Cela a été rectifié dans la journée. Il est hors de question que j’arrête, je dirais même que je n’arrêterai jamais. Tant que l’envie est là, je suis là !

Le meilleur reste à venir.

Nous remercions Davodka ainsi que le Bureau de Lilith et tout particulièrement Géraldine

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Léa Sapolin
Rédactrice en chef adjointe et webmaster d'Extended Player. Amoureuse du rap français et des bonnes punchlines, je pilote la section rap du mag depuis que j’ai 11 ans (oui, déjà !). En parallèle, je suis communicante freelance et chef de projet web, avec une expertise en e-commerce. Toujours connectée, toujours à l'affût des sons qui parlent et qui touchent !

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