On dit que le rap est mort ? Erreur !

Aujourd’hui le rap foisonne : les artistes sont de plus en plus nombreux et les styles varient pour s’orienter vers des identités diverses. Pour trouver de quoi faire frémir ses oreilles, il suffit de naviguer sur la toile et de s’abonner à des chaînes Youtube telles que celle de Give me 5 prod ou encore celle de « Rentres dans le Cercle ».

Les médias ont évolué et certains proposent des challenges aux artistes qu’ils jugent intéressants. L’occasion pour nous de découvrir de nouveaux talents, et de nouveaux freestyles.

Il parait que dans la même veine, une série va voir prochainement le jour. Nous sommes donc partis à Gémenos un jour de grand soleil pour découvrir le studio Homy Records et Skary du groupe Sales Gosses. Le but était d’en savoir plus sur le projet et de partager avec vous cette initiative en avant-première.

Bonjour Skary et enchantée. Pour commencer, pourriez-vous brièvement vous présenter et nous raconter votre rencontre avec la musique et notamment le HipHop ?

Je suis Skary ingénieur du son et directeur artistique au studio HomyRecords. Avant j’étais MC. Ma rencontre avec la musique s’est faite très tôt puisque je suis fils de musicien. Vers l’âge de deux ans, j’ai eu ma première batterie. J’ai d’abord été instrumentiste. Je faisais initialement du pop-rock. Comme mon père était intermittent du spectacle, j’allais souvent en concert avec lui. Cela m’arrivait d’être l’attraction de la soirée : à six-sept ans je prenais d’assaut la batterie et il me laissait jouer avec son groupe. Tout est parti de là.

Vers douze ans, mon père m’a offert mon premier Cubase, un logiciel d’enregistrement. Ensuite je me suis mis à rapper en secret dans ma chambre et je me suis enregistré. C’est donc à douze ans que j’ai commencé à faire du rap, à m’enregistrer tout seul.

Skary au studio

Pourquoi vous êtes-vous finalement tourné vers le rap ?

C’était pour sa simplicité. Le rap permet de faire des choses avec peu de moyens. Mes premiers morceaux étaient faits sur des titres existants : je rappais en fin d’instru ou alors des fois j’outrepassais le MC et je rappais par-dessus sa voix. J’ai donc choisi le rap pour sa facilité, mais aussi pour l’aspect écrit. Dans le rap, il y a plus de textes que dans le pop-rock et j’aimais écrire.

Homy Records existe aujourd’hui depuis trois ans, pouvez-vous nous en dire plus ?

En effet HomyRecords existe depuis trois ans, mais pas en ce lieu et en ce nom. Cela fait trois ans que j’ai commencé à enregistrer des artistes. J’ai un groupe de rap qui s’appelle Sales Gosses et dans lequel je m’occupais des enregistrements.

Il y a trois ans, j’ai souhaité enregistrer d’autres personnes. J’ai donc commencé à les enregistrer dans mon garage. J’ai voulu ensuite me professionnaliser. J’avais un tarif en tête et je ne voulais surtout pas vulgairement « Baiser les gens ». Mon tarif se devait d’être à la hauteur des prestations proposées. J’ai donc passé beaucoup de temps avec l’Adjoint Skenawin. Je l’ai surpris lors de notre enregistrement chez lui avec Les Sales Gosses. En fait, en parallèle je l’ai appelé pour prendre des sessions. Je suis arrivé avec des pistes séparées. Je crois qu’il n’avait jamais vu ça. Je lui ai posé mes pistes séparées et mon disque dur et je lui ai dit « Maintenant on n’enregistre pas, on fait des travaux pratiques ».

J’avais déjà mes compétences, mais je voulais vraiment passer le step de la professionnalisation. J’ai passé beaucoup de temps avec l’Adjoint Skenawin. Je lui dois beaucoup. Il a vraiment pris beaucoup de temps pour m’aider à passer des paliers rapidement.

Cela fait aujourd’hui un an que Homy Records est installé dans ces locaux. On est bien ici, juste entre les montagnes.

KlamC-Wysko-Skary
KlamC-Wysko-Skary

Vous êtes plusieurs à œuvrer pour Homy Records, pouvez-vous nous présenter chaque membre actif ?

Comme j’avais trop de demandes et que je ne voulais pas que les délais pour les artistes soient trop longs, j’ai voulu avoir un ingé son capable de prendre des sessions hors des miennes tout en gardant l’esprit « HOMYRECORDS ». C’est donc Aksang qui s’est joint au projet. Aksang a un groupe de rap, Tous Salopards (Lien vers l’interview de Tous Salopards par Extended Player). Avec Aksang nous avons un peu le même parcours, c’est également un MC qui a pris le rôle d’ingénieur du son dans son propre groupe donc il a une oreille et peut aussi intervenir dans la direction artistique avec les différents artistes.

Ensuite il y a KlamC, un des beatmakers du projet. Il fait les prods, dispose du studio B et fait partie des Sales Gosses, comme moi. Avec les Sales Gosses nous sommes d’ailleurs en stand-by, chacun est sur ses projets. C’est d’ailleurs plus un crew qu’un groupe, nous sommes des amis d’enfance.

KlamC m’assiste sur la réal des projets Creepy Music, label pour lequel je bosse en tant que Directeur artistique. Quand on produit un album, c’est entièrement le fruit de notre collaboration (Wysko et Klamc).

KlamC en plein projet

Le troisième membre c’est Wysko. Initialement, la rencontre avec Wysko s’est faite sur Soundcloud. Je zonais dessus et j’ai vu qu’un beatmaker d’Aubagne était sur la plateforme. Cela m’a surpris. Dans le milieu de la musique, on se connait tous, surtout ici. J’ai donc été étonné de croiser quelqu’un du même endroit qui en plus taffait sur MPC 5000. Cela m’a complètement intrigué. Au départ, en écoutant les sons, je ne me suis pas affolé. Puis, j’ai découvert un petit gars de 17 ans, fan des Sales Gosses. Je lui ai proposé de venir au studio. C’est là que j’ai fait sa rencontre. Il m’a impressionné : il était ultra réceptif ! On a peut-être 7 ans d’écart, mais tous les conseils qu’on lui donnait, il les appliquait et les bonifiait. Il faisait mieux que ce qu’on lui demandait et, à l’heure actuelle, c’est une vraie machine. Il fait des prods pour énormément de monde et est capable d’en sortir 10 par jours, c’est un gros tueur à gages. Il bosse beaucoup avec KlamC qui l’aiguille aussi. À l’heure actuelle, il m’impressionne encore. KlamC, au niveau beatmaking, n’avait rien à me prouver, c’est un gros tueur, mais Wysko m’étonne chaque jour, il progresse encore. Les deux ont un potentiel énorme, ce sont des gros bosseurs.

À la base, lorsque j’ai créé le studio, je cherchais à m’entourer de bosseurs. Lorsque je travaille, je suis capable de faire des midi – six heures du mat en session, et je voulais trouver des personnes à qui cela ne fait pas peur. Aujourd’hui cela fait un an que l’on bosse ensemble et ça roule nickel.

Nous travaillons également sur un projet qui nous a amenés à intégrer un cinquième membre, c’est Valentin Bourdari de NewTeam Prod. Il a fait toutes les vidéos. C’est initialement un pote à Wysko qui est venu de lui-même. Nous n’avions pas de budget et il a accepté de taffer avec nous. Il s’est tapé des heures, en plus du tournage, du montage, et ne nous a jamais demandé un euro. C’est devenu un membre actif de cette aventure.

Si un artiste souhaite enregistrer chez HomyRecords, comment est-ce que cela se passe concrètement ?

Il y a plusieurs possibilités. Ça passe en général par les réseaux, Insta ou Facebook. Il faut savoir que nous sommes ouverts à tout le monde. Par exemple si toi, demain, tu souhaites faire un son et que tu n’en as jamais fait auparavant, ce n’est pas un souci. On ne dira jamais non et on trouvera un créneau.

Dans notre studio, il y a des mecs qui débutent tout comme des artistes confirmés, comme 3e œil par exemple, on Zamdane qui est déjà en label. Selon le profil, le travail est complètement différent. Cela peut aller de l’enregistrement à la création complète :on fait la prod ensemble d’où la chance d’avoir 3 beatmakers au studio, je peux aussi faire des toplines, c’est-à-dire faire l’air, la mélodie, sans paroles. Ensuite on aiguille et on essaye de trouver la meilleure formule pour faire le meilleur son. Le processus de création peut vraiment être différent.

« Je suis si triste » 3e oeil
Zamdane – Affamé #1 : Shook

Lorsque vous avez créé HomyRecords, est-ce que Marseille et Aubagne manquaient de structures ?

Cela ne manquait pas vraiment de structures. De mon point de vue c’est plutôt côté administratif qu’il y avait des carences. Des studios il y en a, mais le Sud est réputé pour être à la cool. Je pense que ça manquait de charbonneurs, de mecs qui n’ont pas peur de bosser. Personnellement je le dois beaucoup à l’Adjoint Skenawin, parce que, quand je l’ai rencontré, je ne pensais pas qu’il était possible d’avaler autant d’heures de travail. En fait, dans son sillage j’ai voulu me prouver des choses à moi-même. J’ai fait des journées de 20 heures d’affilée. Cela m’est même arrivé de faire des journées de 48h lorsqu’il y avait des projets à rendre à temps. Quand tu vois que c’est possible, que ton corps peut le faire, tu n’as ensuite plus peur de rien. Tu peux aller à la guerre et comme on dit ici « tu crains dégun » ! C’est sûr qu’il faut savoir souffler aussi. Être un bosseur n’est pas quelque chose d’inné, c’est lorsque tu vois que tu peux le faire que tu comprends que c’est possible. Je suis père de famille et j’essaye de concilier au mieux ces différentes facettes, les nuits sont très courtes par contre. Si tu veux être un mari idéal, un père idéal et un ingé son idéal, tu dors peu, mais c’est bénéfique, et surtout c’est possible.

Le plus intéressant, au final, c’est que cela influe. Lorsque les gens te voient charbonner comme cela, c’est contagieux. Les gens se mettent à bosser et essaient de se mettre au moins à ton égal. Ils sont contaminés par le délire du travail. C’est une bonne chose et c’est cela je pense qu’il manquait.

On constate d’ailleurs en lisant des médias comme le vôtre, RapÉlite ou Booska-P, que lorsque les gens y arrivent, c’est que derrière il y a eu du travail, beaucoup de travail. Rien n’arrive par hasard. Il faut du travail et des sacrifices pour que cela marche.

Vous lancez prochainement un projet, pouvez-vous nous en parler ?

Cela va être une série de vidéos à raison d’une sortie par semaine. Je ne veux pas dire freestyles. Ce seront des sons produits/enregistrés/clippés au studio. Visuellement, toutes les vidéos sont tournées dans la cabine du studio avec à chaque fois un artiste différent. Nous souhaitions mettre en lumière des artistes à fort potentiel en nous appuyant sur d’autres artistes confirmés. Certains grands artistes sont venus donner de la force sans rien attendre de nous.

Vu qu’on est issu du milieu HipHop, on a pu s’appuyer sur notre réseau pour contacter les artistes, on connaissait la plupart et d’autres fois ça a été des connexions, par exemple un artiste que je ne peux pas encore citer est venu tourner son épisode et, en parlant avec lui, il s’avère qu’il connaissait un mc’s que j’écoute depuis petit. Il l’a appelé et le gars est venu tourner son épisode la semaine d’après… Le genre de truc spontanés que j’adore.

A terme, ce qu’on aimerait avec cette série c’est devenir une sorte de label qualité. C’est-à-dire que même si tu ne connais pas l’artiste, tu cliques car tu sais que tu ne vas pas être déçu.

Cette idée s’est développée à force d’enregistrer des artistes au studio et de souvent me dire « putain ce gars est un tueur mais il n’a même pas un son sur YouTube ! »

Premier Teaser de la Série Homy Records

La sélection se fait selon nos goûts et ce n’est pas uniquement des gens de la région : il y a des gars de Toulouse, d’autres de Paris, etc. Cela va aussi être soutenu par le label Creepy Music qui nous a débloquer un attaché de presse ainsi qu’un appui tant financier que structurel pour pouvoir porter le projet le plus loin possible. On a d’ailleurs déjà dans l’idée de faire une saison 2. La saison 1 est bouclée. Il y aura une vidéo par semaine et cela sur 4 mois à peu près. Nous souhaitions nous préparer en amont pour garder le rythme. 

Sur ce projet nous ne nous limitons à rien. Si nous sommes sollicités, nous prendrons en compte les demandes. On a peur de rien. Nous allons lancer le concept à fond. Il y a des têtes qui sont venues en nous faisant énormément confiance. Il y en a qui n’ont même pas vu le retour vidéo, ils n’ont eu que le son. À terme, le but est de taper encore plus gros pour que cela soit bénéfique aux artistes en développement, L’objectif final est que, même pour les artistes qui ont du bagage, cela devienne un challenge, un média dans lequel passer. S’ils souhaitent faire une promo d’album, on aimerait qu’ils se disent « c’est là que je dois être ». C’est notre ambition.

Quel est l’artiste rêvé que vous souhaitez voir poser sur le projet ?

Il y en a beaucoup dont certains sont déjà dans la saison 1 ! Mais je ne peux pas en dire plus, c’est une surprise.

Il y en a plein d’autres qui me viennent en tête. Avec le studio j’ai eu la chance d’enregistrer du beau monde. Par exemple quand j’ai enregistré 3e œil, sur le coup, on fait la séance normale puis j’ai pris du recul, je me suis dit « imagine qu’on t’ait dit ça il y a dix ans ! » je n’y aurais jamais cru. Ils sont devenus, hors musique, des gens que j’apprécie énormément et on s’apprécie mutuellement. Ce sont des rêves que petit à petit je coche.

De quelle manière choisissez-vous la prod que vous envoyez aux artistes ?

C’est en fonction des artistes. On a pas mal de stock. Nous en envoyons plusieurs. Initialement nous sommes des MCs, donc on sait un peu, selon l’univers de l’artiste, quoi envoyer. Le but est de mettre l’artiste dans les meilleures conditions possibles. Mais c’est sûr que lorsqu’on envoie les prods, on a une idée de celle qu’il va choisir, on sait où on veut l’amener et, dans 90 % des cas, ça fonctionne. Certaines fois on se fait des délires au sein de l’équipe sur la prod qui va être choisie et ça fait plaisir de voir qu’on s’est rarement trompé.

En parallèle, allez-vous sortir les morceaux sur toutes les plateformes de téléchargements ?

Complètement. À chaque sortie de vidéo, le morceau sera disponible en streaming et le but est de faire des compilations. Chaque saison aura sa compilation avec tous les morceaux disponibles. On a des idées d’évolution dont nous ne pouvons pas parler actuellement, mais si on a des propositions, on foncera. Nous sommes ouverts à tout si cela peut amener le truc plus loin. Nous sommes affiliés à IHH magazine qui ont l’exclusivité des vidéos, d’autres partenariats sont en cours avec différents médias. Tant que c’est bénéfique, nous sommes ouverts. Il faut savoir que sur cette saison 1 on a travaillé avec 0 euro de budget, juste en alliant nos compétences.

Quels sont les retours des artistes qui ont déjà participé au projet ?

Je pense que pour eux c’est une partie de plaisir. La chance que nous avons c’est que nous sommes issus du Rap. On a pu faire des tournées. Nous connaissons pas mal de monde dans le paysage HipHop. Nous n’avons donc pas eu beaucoup de refus et lorsque c’était le cas, c’est parce que les artistes étaient très occupés sur leur propre projet personnel. Les gens sont généralement contents qu’on pense à eux. Lorsqu’ils sont présents, on sent clairement qu’ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes et qu’ils souhaitaient faire un beau morceau. Dans la première approche, il n’y a pas d’histoire d’argent. En plus cela crée des connexions. Lorsqu’on enregistre 4 artistes dans la même journée, il y en avait qui ne se connaissaient pas et qui ont sympathisé, c’est ça qui nous plait. Même dans mes sessions régulières en studio c’est ce qui me plait. Quelqu’un qui ne souhaite pas enregistrer peut passer boire un coup, c’est agréable. Le but c’est que ce soit vivant, que ce soit HipHop. Nous sommes issus de cette génération où le HipHop est fédérateur, et le but c’est que les gens échangent.

Pour en revenir à la question, j’ai l’impression que tout le monde a été content et a vécu un bon moment.

À la fin de cette présentation, nous nous remercions réciproquement. L’heure est aujourd’hui au teaser et nous avons hâte de découvrir le premier épisode de ce beau projet signé Homy Records.

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Léa Sapolin
Rédactrice en chef adjointe et webmaster d'Extended Player. Amoureuse du rap français et des bonnes punchlines, je pilote la section rap du mag depuis que j’ai 11 ans (oui, déjà !). En parallèle, je suis communicante freelance et chef de projet web, avec une expertise en e-commerce. Toujours connectée, toujours à l'affût des sons qui parlent et qui touchent !

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