Aujourd’hui sur les réseaux, tout le monde en parle, et il faut dire, à juste titre, que le premier Vélodrome d’IAM ce n’est pas rien !

IAM, c’est tout de même 40 ans de carrière, l’album de rap le plus vendu de l’histoire, la première mixtape du rap français, et tout un héritage que ce groupe à trois lettres nous a légué, tout en continuant à enrichir cette culture.

Le premier stade Vélodrome d'IAM :
Un concert événement dans un lieu mythique

Le Vélodrome, lieu emblématique de Marseille, leur ville d’origine. Un concert emblématique avec plus de 55 000 spectateurs : il fallait y être et cela se devait d’être mémorable. En tant que journalistes, on se doit d’être honnêtes. Le verdict sur les réseaux : des louanges à tout va. Mais la réalité est plus nuancée. On vous explique :

Une fin de concert légendaire réunissant plus d'une vingtaine d'artistes

Si on commence par la fin, effectivement, la dernière surprise du concert était mémorable, légendaire. Du jamais vu : plus d’une vingtaine d’artistes sur scène pour interpréter le célèbre titre « Demain c’est loin ». Un final riche en sens qui montre bien cette passation entre les « pionniers » du rap, et les rappeuses et rappeurs qui leur succèdent, toutes générations confondues.

Sur scène, par ordre de passage : Abd Al Malik, Relo, Scylla, Vincenzo, Just Shani, R.E.D.K., BigFlo, Demi Portion, Infinit, Médine accompagné par Wally Dia, Dinos, Veust, Napoleon Da Legend, Youssef Swatts, Dany Dan, Caballero, Oli, Allen Akino, Oxmo Puccino, Jean Jass, JMK$.

Pour beaucoup des artistes présents, cet instant était inqualifiable, de l’ordre du rêve éveillé. Le lendemain du concert et les quelques jours qui suivirent, la toile fut inondée de stories et de posts vantant les mérites de cette initiative, et relatant l’exaltation du moment.

On vous partage, en guise d’exemple, la story de Scylla, qui témoigne de l’importance de ce passage sur scène, aux côtés d’un groupe qui l’a tant inspiré :

« Flash-back : Il y a quelques mois, je recevais un appel d’@akhenatoniam qui m’annonçait qu’IAM jouerait un concert d’anthologie à Marseille au fameux stade Vélodrome, devant 60.000 personnes. Il me confiait que le dernier morceau qu’ils joueraient sur scène ce soir-là serait « Demain c’est loin », et qu’ils aimeraient que je sois présent pour interpréter une partie de ce texte avec eux sur scène. Irréel. Vous savez a priori tou.te.s de quoi on parle ici. On parle sans doute du titre le plus légendaire de l’histoire du rap FR. Le « Classique des classiques ». @iam.officiel étant pour moi le groupe de légende par excellence, imaginez donc ce que cette invitation représentait pour moi. Ce concert a eu lieu hier soir. Et ces 2 derniers jours ont clairement été l’un des moments les plus forts de ma carrière. Le seul moment qui ait pu autant me replonger dans les saveurs de mon enfance / adolescence. « Scylla » n’était pas présent hier sur scène ou dans le public. Il n’existait même pas. Je ne connaissais pas son existence. J’avais 16 ans, les silhouettes de mes frères autour de moi. Abdel, Deb, Bef, … Ils chantaient avec moi Samouraï, Les miens, etc. Cet enfant de 16 ans qui errait dans les rues de Bruxelles de longues heures la nuit, juste pour écouter ces titres en boucle dans son Walkman. Un enfant avec une sensibilité exacerbée, qui a trouvé dans cette musique un véritable refuge, la force de vivre, et de le faire intensément. »

Des invités de marque : DE DJIBRIL CISSÉ À MÉDINE EN PASSANT PAR SCYLLA OU ENCORE LA FONKY FAMILY AU GRAND COMPLET

Au-delà des invités de cet ultime morceau, d’autres guests ont fait leur apparition tout au long du concert et, soyons honnêtes, ce sont bien ces surprises qui ont fait de ce concert quelque chose de mémorable. On aura vu de nombreux musiciens et compositeurs : Sébastien Damiani, Fumie Hihara, Christophe Julien, etc. L’apparition de ces musiciens a apporté une véritable valeur ajoutée, offrant une interprétation singulière pour chacun des morceaux.

Dreddy et Timbo King sont également apparus sur le morceau « La Saga », un clin d’œil à l’un des premiers ponts créés entre New York et la France dans le rap, notamment à travers la passion d’Akhenaton pour la scène new-yorkaise.

Parmi les autres invités : un grand nombre de « tontons » du rap français, figures incontournables pour un public qui les a découverts dans sa jeunesse. Calbo et Lino d’Ärsenik, Faf Larage, Wallen, Pit Baccardi, Passi, Stomy Bugsy, et bien sûr les Marseillais tant attendus en cette soirée symbolique : la Fonky Family au grand complet, Bouga, Def Bond, Karim le Roi.

Parmi les personnalités présentes, notons aussi la présence remarquée de Wally Dia, fidèle soutien du rap indépendant, et de Djibril Cissé, preuve que le rayonnement d’IAM dépasse largement les sphères musicales

Les grands absents ? Les deux membres du 3e Œil. Une absence d’autant plus marquante que le célèbre « Shit Squad », souvent repris dans les concerts marseillais, n’a pas été interprété. On apprendra plus tard que ce morceau n’est plus en adéquation avec la mentalité actuelle d’Akhenaton. Une décision qui peut déplaire, mais qui témoigne de l’importance des valeurs du groupe. Cela dit, l’absence de Jo Popo et Boss One reste incomprise, surtout face au nombre d’invités présents.

Les DJs au cœur du concert

Impossible de parler de hip-hop sans évoquer les DJs. Leur mise à l’honneur était essentielle et bienvenue. DJ Djel, DJ Daz, DJ Cut Killer et Kheops réunis sur scène : un moment marquant qui rappelle que le hip-hop, c’est aussi (et avant tout) une culture de platines, de scratchs, de sélection.

"Je suis Marseille" : une nouvelle génération sur scène

Autre moment fort : « Je suis Marseille », morceau issu du projet 13’Organisé lancé par Jul. Un projet pensé comme un pont tendu vers la nouvelle génération d’artistes marseillais, en leur offrant un espace de reconnaissance porté par les figures historiques. Sur scène : Akhenaton, Shurik’n, L’Algérino, Alonzo, Fahar et Le Rat Luciano — tous représentants de la première vague — ont célébré la vitalité d’une scène qui se renouvelle. Le public a vibré, même si Le Rat a connu un petit couac de mémoire.

Un show inégal malgré l’ambition

Notre invité favori reste Kalash. Sa vibe plus dansante a offert une respiration bienvenue dans un spectacle globalement monotone. Car oui, malgré la présence de guests et une scénographie grandiose, les trois heures de concert manquaient de liant. Le choix d’enchaîner les morceaux sans interaction avec le public a nui à l’émotion et à la spontanéité du moment. Les invités, enchaînés rapidement, n’ont pas eu l’occasion d’être présentés ou mis en valeur. Résultat : les connaisseurs savaient, les autres adhéraient… ou non, sans forcément saisir l’importance de ce qu’ils voyaient.

À cela s’ajoute un problème de son : le Virage Sud, où nous étions installés, a été particulièrement mal servi. Le son y était brouillon, rendant difficilement perceptibles les paroles et nuances des morceaux. Nous avons également eu écho de problèmes similaires dans d’autres zones du stade, sans pouvoir confirmer s’il s’agissait d’un problème généralisé. Certains ont évoqué le décès récent d’Arnaud, régisseur son/façade, comme un élément pouvant expliquer, au moins en partie, cette défaillance. Une perte humaine tragique, mais difficile à relier avec certitude à la qualité sonore du soir. Quoi qu’il en soit, l’impact sur l’expérience du public reste bien réel.

Une communication tardive et une prise de parole discutable

La première vraie prise de parole du groupe est intervenue tardivement, avec Akhenaton saluant l’apparition de Khaled. Une décision polémique, compte tenu des accusations de violences conjugales à son encontre. D’autant plus étonnant que cette interaction contredisait le choix initial de ne pas s’adresser au public, ce qui renforçait l’incompréhension.

IAM, groupe historiquement engagé, n’a délivré aucun message politique fort ce soir-là. Un manque d’âme, d’émotion et de discours qui a déçu, surtout de la part d’artistes aussi emblématiques.

Un show visuel puissant… mais inaccessible

On verra le lendemain, partout sur les réseaux qu’Akhenaton pleurait sur scène, ému — un moment fort — mais invisible pour la majorité du public. Les écrans n’étaient pas utilisés pour rediffuser la scène, ou de manière trop sporadique. Combiné à la mauvaise qualité sonore, ce défaut de mise en scène a renforcé le sentiment de distance et d’inaccessibilité.

Conclusion : un concert marquant… mais pas optimal

Le 24 juin au Vélodrome a marqué les réseaux et les artistes. Moins le public. Sauf ceux aux premiers rangs, qui ont pu ressentir la ferveur de ce moment. Si l’objectif était d’offrir « un condensé de tout ce qui a fait l’histoire de IAM, sur presque 40 ans » (France 3 Régions), la mission est accomplie. Un enchaînement impressionnant de morceaux, mais sans réelle cohérence ni transition. Du très émotif « Lettre » à un remix joyeux d’« Offishal » avec Kalash, puis un retour à des morceaux plus posés…

C’était long. C’était beau. Mais parfois un peu linéaire. Un concert impressionnant par son ambition, mais qui manquait de chaleur humaine par moments. Oui, le public a dansé. Oui, il y avait de la magie. Mais le souffle émotionnel, celui qui bouleverse et qui marque à vie, ne semblait pas au rendez-vous.

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Léa Sapolin
Rédactrice en chef adjointe et webmaster d'Extended Player. Amoureuse du rap français et des bonnes punchlines, je pilote la section rap du mag depuis que j’ai 11 ans (oui, déjà !). En parallèle, je suis communicante freelance et chef de projet web, avec une expertise en e-commerce. Toujours connectée, toujours à l'affût des sons qui parlent et qui touchent !

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