Quand on craque sur un artiste, c’est souvent suite à un live. Accoutumé au rap des nineties et aux sets carrés, on a tendance a penser qu’un bon rappeur doit avant tout faire ses preuves sur scène. En parlant de scènes, revenons justement sur la troisième édition du Demi Festival et sa soirée « sur l’eau ». Ce soir-là, c’était gratuit, on était sur les gradins du Canal Royal de Sète, on aurait pu assisté à un combat de joutes, mais c’est plutôt Rolxx, Petitcopek, Apéro Jazz, Maicee, Dab Rozer, Kacem Wapalek & Dj Blaiz que nous étions venu écouté, verre à la main, chips dans l’autre et rayons de soleil sur le visage: tout était réuni pour passer une bon moment.

Lors de cette soirée estivale, nous avons fait la rencontre avec l’univers de Petitcopek & d’Apéro Jazz : rap jazzy, avec des refrains chantés, envolées positives, bonne humeur, et brin de folie puisque les artistes se sont jetés à l’eau en fin de concert pour rejoindre le public posé de l’autre côté de la rive.

5 mois plus tard, Dj Djel sort la Mixtape « Qui prétend faire du rap français? », dedans, un bel assemblage d’artistes Boom-trap comme il les définit. On y trouve notamment Petitcopek, avec son titre « Rien de plus », texte qui nous parle puisque ventant les mérites des petits riens qui mènent au bonheur. 

Nous sommes aujourd’hui devant le Molotov, ce lieu emblématique de Marseille qui ne cesse d’organiser des concerts de tous styles à des tarifs on ne peut plus bas. Petitcopek vient de finir un freestyle, sans doute pour nos collègues d’Artzap TV. Dehors, artistes, passionnés et habitants discutent en attendant le début du concert. Le moment est opportun, on en profite pour interviewer ce jeune Sétois à l’accent local.

Pourriez-vous vous présenter avec un seize?

Bonjour, enchanté, moi c’est Lorenzo. J’ai fait ce rap pour trop de raisons et sans le bon réseau. Du coup je m’invite fréro. Je suis droit comme l’horizon, je ne compte pas venir les mains vides, c’est pour ça que j’attends la floraison. J’ai l’impression d’avoir vieilli trop vite. La nuit je cogite, pendant que mes amis profitent. Je perds le sommeil quand je pense au lendemain. Cette heure où les soucis d’oseille peuvent me rendre dingue. La tête sur l’oreiller je pense à mon prochain projet, et je me dis que le repos, ça coûte bien trop cher. Faudrait que je chope de la beuh à 3, mec! Pour m’endormir je compte, les rappeurs à trois lettres. J’fais mes bails dans mon coin, je rédige des paragraphes, la victime est sur la table et l’arme et dans mon poing. Hautain, je pense pas l’être, c’est pas c’que j’veux laisser transparaître, à part si je monte sur un transpalette

16 mesures !

Pourriez-vous nous raconter votre rencontre avec le rap et la naissance de votre premier texte?

J’ai écouté pas mal de rap, et notamment du rap français lorsque j’étais petit. J’ai grandi avec, comme pas mal de personnes de ma génération. Mais mon premier vrai coup de cœur c’est en 2012, lorsque je suis allé aux ateliers de Demi Portion à La Passerelle à Sète. C’était des master class pendant les vacances. Pendant une semaine, il y avait Ahmed Koma de la Scred Connexion. Ça écrivait, ça enregistrait. Moi je suis arrivé là-bas, j’ai kiffé direct. C’était génial de découvrir comment ça se passait en studio. Koma raconte toujours plein d’histoires sur les anciens. J’ai vraiment bien aimé l’ambiance et le délire. Je crois que c’était en mars 2012.

Concernant mes premiers écrits, entre guillemets, c’est quelque chose qui n’a pas été enregistré et que je n’ai même pas terminé d’écrire. On nous avait donné un thème à l’atelier, c’était « 1er tour ». C’était pendant les élections de 2012 où Hollande a été élu. C’était assez vaste comme thème, c’était cool. Il devait y avoir une prod de DJ Tricks qui tournait.

Suite à ça, vous vous êtes lancé. Ainsi, pourriez-vous revenir sur votre discographie?

En mai, on a sorti avec ApéroJazz un album qui s’appelle « Huit Syllabes »

Avant ça, tout seul j’avais sorti deux Cds, en pochette carton.  Il y avait six ou sept titres sur les deux. Il y en a un sur Bandcamp et l’autre sur YouTube. Il faut un peu fouiller. Avant ça j’avais sorti un tout premier projet, uniquement sur internet, sur BandCamp, qui s’appelait « 18 ans après », c’était en 2014. Entre-temps j’avais sorti un petit projet en scred comme on dit. J’avais fait un statut « Manifeste-toi et je t’envoie le projet » et je l’avais envoyé 200 ou 300 personnes. Ça reste un petit projet.

Vous avez donc eu des projets solos et en duo. Écrire seul ou à deux, est-ce différent pour vous?

Oui. Écrire à deux ça ouvre, dans le sens où au niveau des thèmes abordés et des ambiances musicales je me suis tournée vers des choses auxquelles je ne me serais pas intéressé seul. Ça ouvre même sur scène, comme vous avez pu le voir au Demi Festival, et ce soir. Au niveau du set, ça n’a rien à voir. Quand on est avec AperoJazz, Pablo, c’est beaucoup plus « Patate », beaucoup plus énervé alors que quand je suis tout seul c’est beaucoup plus cool, plus chanté et lumineux. Il arrive souvent qu’ApéroJazz m’accompagne même lorsque c’est pour mes projets solos.

Pourriez-vous choisir une valeur et un de vos textes qui explicite cette valeur?

Comme valeur je choisirais le partage et j’y associerais un petit clip que j’avais fait. À cette époque je donnais des ateliers d’écriture chez moi. Ça bougeait bien, dans mon petit studio on était pleins. Cette après-midi là on a fait un morceau et un clip. Et je trouve que ça représente le partage. J’avais beaucoup aimé et d’ailleurs je pense repartir sur des petits événements comme celui-là.

Dans le clip il y a ApéroJazz, son petit frère CBC, THB, Joe l’embrouille.

Parmi l’ensemble de vos titres, quel a été le plus compliqué à écrire? Quelle est son histoire?

Je vais parler de deux morceaux: le plus dur à écrire niveau technique et le plus dur quant au sens.

Pour la technique, c’est un morceau qui utilise un lipogramme, un procédé littéraire qui consiste à supprimer une lettre de l’ensemble du texte. J’ai donc fait un texte sans c. C’était assez dur, car ça enlève beaucoup de mots.

Pour l’autre morceau, c’est un titre que je n’ai pas sorti en mon nom. Sur YouTube il s’appelle « Sètois, réveille-toi ». C’est un morceau que j’ai fait suite aux dernières municipales, en rapport avec le maire de ma ville, Sète. Ce maire a été élu pour la troisième fois et trempe dans plein de magouilles.
Il a fait plein de la garde à vue. à vue. J’ai fait un morceau sur lui et ça a été un petit défi. Ce qui a été dur c’est de le partager plus que de l’écrire. Le texte est venu tout seul.

J’ai décidé de ne pas le sortir à mon nom, car je ne veux pas trop m’afficher politiquement. J’aime la musique et je veux me fermer le moins de portes possibles, sans pour autant aller rapper pour n’importe qui et n’importe quelles occasions. Je peux parler politique avec quelqu’un, mais dans les projets ou en interview je préfère éviter. Ça peut être mal interprété, sorti du contexte ou je peux mal répondre sur le coup.

À Sète, le HipHop a une certaine couleur. Pourriez-vous nous en parler?

Je vais parler du rap à Sète plus que du HipHop. Ça graff beaucoup à Sète si on doit parler de HipHop : Depose, Naoui, Amon. Il y a un passé culturel fort dans cette ville, notamment avec Brassens dont on parle beaucoup, c’est la fierté communale.

Quant au rap, tout le monde connait Demi Portion, on ne peut pas passer à côté. Quand j’ai commencé à rapper, il y avait beaucoup plus d’artistes, notamment lorsque Demi Portion a commencé à animer les ateliers d’écriture. Il y avait une belle énergie. Ces ateliers s’appelaient « Création positive » et de là il y avait plein de groupes: Chinois la Diktion, Mehdiatheque, D.Tay, Hamza la street, Les Akusers, avec Dj Tricks qui gérait toute la partie MAO. Il y avait plein plein de rappeurs qui sortaient des projets et faisaient des petites scènes. À Montpellier il y a trop de monde aussi : « Les frères d’Art », « Emtooci », « Ekloz »  » lacraps » walid shabazz » « la q8 », « rovazio » « L’anomalie » « trek » treiz et Gio », « Monotov ».

Le rap Sètois avait vraiment une signature. Les gens de l’extérieur nous disaient « Les gars vous rappez tous pareil ». C’était vraiment une école. Avant d’être animés par Demi Portion les ateliers étaient menés par Adil. C’était une école très stricte. On devait rapper d’une certaine manière, parler de certains thèmes, etc. Avec Demi Potion ça c’est un peu ouvert. C’était très Boom-bap, très classique, très conscient. Avec le temps je me suis un peu éloigné de ça, mais c’est vrai que c’est notre école.

Aujourd’hui, vous participez à la release de la Mixtape de Dj Djel « Qui prétend faire du rap français », c’est aussi votre première date à Marseille, qu’est-ce que ça représente pour vous?

C’est trop bien ! C’est la folie d’être invité par Dj Djel. Je suis super bien reçu en plus, l’accueil est au top. L’affiche de ce soir est super aussi, c’est une belle programmation. Tout à l’heure ça rappait et ils sont tous trop forts ! En vrai je suis ultra fan et ça m’impressionne.

Eh oui, c’est ma première date à Marseille. Ça faisait longtemps que j’avais envie de jouer ici.

C’est merveilleux.

Quels sont vos projets à venir?

Mon premier album solo pour septembre octobre. Ça fait longtemps que je suis dessus, mais je prends le temps. Ce sera mon premier vrai projet travaillé jusqu’au bout. Il me manque uniquement deux trois titres. Tout est maquetté, je commence l’enregistrement au propre lundi. Ça va enchaîner ensuite. J’ai quatre clips de prêt. J’essaie vraiment de faire les choses en amont pour que lorsque ça sortira, tout soit bien.

Je gère également les dates pour l’été et pour après la sortie de l’album.

Je prépare une tournée avant l’album, qui commence ce soir en fait ! Ce soir c’est d’ailleurs la première fois que je vais tester certains morceaux.

En ce moment je pars à la conquête de toutes les petites salles, les cafés-concert. Je vais aller dans des petits endroits en Bretagne, dans le centre. Donc un petit tour de France s’organise.

Si nous devions retenir une chose sur vous, laquelle serait-ce?

Je fais des clips et des ateliers d’écritures et si quelqu’un a besoin de moi je suis présent. Les ateliers c’est ce que je fais en ce moment, pour des écoles, et ça me plait vraiment !

Nous remercions Petitcopek pour le temps qu’il nous a accordé ainsi que pour son beau passage sur la scène du Molotov.

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Léa Sapolin
Rédactrice en chef adjointe et webmaster du Magazine.
Passionnée de HipHop français et de musique à textes, en charge de la partie rap du magazine depuis mes 11ans.
Chargée de communication à mon compte et chef de projet Web à Oxatis.
Projet perso en cours : www.omega-13.fr

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