Il est présent tout en étant discret. Pour le connaître, on n’a pas forcément besoin de le chercher, mais il faut s’y intéresser. Ses apparitions ne sont pas si rares. Vous l’avez certainement vu dans le clip «De l’opéra à la Plaine 3» de Keny Arkana, clip qui regroupe une palette remarquable d’artiste marseillais. Il apparaît aussi sur de nombreux feeturing et est souvent présent lors les scènes marseillaises. Et justement, s’il est sur scène, c’est pour nous mettre une grosse claque. Ses lyrics aiguisés et travaillés impressionnent. On ne repart pas en l’oubliant.  Pourtant, sur le web, on ne trouve presque rien à son sujet. C’est intrigant, il a fallu mener l’enquête. L’occasion s’est présentée lors du concert de Lacraps au Makeda, organisé par KintFlosh Crew. On a enfin pu rencontrer ce jeune homme à un autre moment que de bon matin à la Plaine (place endémique de Marseille). Le mystère est donc résolu, nous savons qui est L’Amir’Al et pourquoi aucun projet récent à son nom n’est disponible.  Voici donc une présentation de ce talentueux rappeur obnubilé par la perfection de ses textes.

Bonjour l’Amir’Al, afin d’ouvrir l’interview, pourrais-tu te présenter en une rime ou une punchline?

« Il se demande pourquoi je suis maigre j’écris mes vers en solitaire »

Ma grande question est la suivante, qu’est-ce qui explique ton omniprésence sur scène versus la presque inexistence de tes morceaux sur le web?

Je suis vraiment perfectionniste. Le rap me plaît, ce qui me plaît encore plus c’est la scène. Et le rap à changer aussi. Je vois le décalage, la place du rappeur aujourd’hui n’est pas la place que je donne à mon rap à moi. Ça me refroidit complètement. Mais c’est aussi une excuse parce que ça fait très longtemps que je rap, j’aurais pu sortir quelque chose malgré tout. Il y a une sorte de fainéantise dans tout ça.

Cela signifie donc qu’aucun projet ne verra le jour?

Si. En fait, mon but était d’être dans le paysage du rap underground. J’ai commencé le rap à 13 ans, je n’avais pas une ambition de fou. Je voulais juste que lorsqu’on m’écoute, les gens voient tout de suite que je sais rapper. Mon rapport au rap c’était la scène. J’ai commencé comme ça et fais mes armes en mangeant le micro partout. Donc aujourd’hui on voit ma tête partout, mais vu le poids que je donne à un album, je ne vais pas en sortir un facilement. Je vois des albums qui sortent régulièrement, sauf que pour moi ce n’est pas des « vrais » albums. Un album se doit d’avoir une vraie identité, un univers. C’est tellement de temps investi.

Actuellement j’enregistre des morceaux, mais je ne fais plus comme avant, je ne les diffuse plus sur YouTube. Par contre, je mets très longtemps pour écrire.

Justement comment procèdes-tu pour écrire?

Je prends plein d’instrus sur internet et j’écris dessus. Lorsque j’ai un semblant de morceau je bloque une instru avec un beatmaker. Avant je faisais autrement, mais je mets tellement de temps à écrire que je fais perdre du temps aux beatmakers. L’instru risque de ne plus me plaire. Donc maintenant je prépare mon truc et je vais voir quelqu’un lorsque c’est prêt. Je préfère faire comme ça.  C’est ma nouvelle méthode.

Et avec quels beatmakers travailles-tu?

Je bosse avec celui qui veut bien bosser avec moi. Mais ça va y’en a quelques-uns qui donnent la force. J’ai eu la chance de bosser avec Mani Deiz, j’ai fait pas mal de trucs avec Nizi. Concernant les beatmakers de Marseille, il y a Panarash, c’est un mec du coin. Je ne m’enferme pas avec quelqu’un, je prends toi et advienne que pourra.

Du coup, en ce moment tu as quelques morceaux en stock?

Oui, à partir de deux, c’est quelques morceaux donc j’ai quelques morceaux en stock (rires), au moins. Mais je peux en avoir plus. En vrai j’en ai plein des morceaux, mais il n’y a rien qui me plaît.

Quand tu fais des featurings, par exemple le morceau avec Lacraps, une fois qu’il est fait tu es obligé de le laisser sortir?

He oui là c’est différent ! C’est des challenges parce que si je me mets sur un morceau je peux y rester très longtemps. Alors que Ali (Lacraps) a son premier album qui s’appelle « Machine à écrire » et ce n’est pas pour rien. Il faut se mettre au diapason on va dire, mais ce n’est pas là où je vais sortir le maximum de ce que je sais faire. Il faut que ça reste passionné. Quand il faut forcer, ça me plaît moins.

Et dans les deux morceaux finalisés, quels sont les thèmes abordés?

C’est très large. Il y en a un qui est très quartier, enfin très Marseille, comme la musique qui m’a bercé. L’autre est large… J’ai fait beaucoup de morceaux sans refrain et celui-là en fait parte.

Mais tu n’as pas peur qu’en tardant à les sortir, ils finissent par ne plus te plaire?

C’est le risque, mais je n’ai pas à rougir du peu que j’ai sorti. Je les assume. Je suis très modeste et humble, mais par contre je sais ce que ça vaut, je m’applique beaucoup pour ça.

Et si tu sors un projet, est-ce qu’il y aura des featuring?

Peut-être pour mettre plus de morceaux, faire du puzzle, mais le rap je l’ai vécu seul. Mon rapport au rap c’est moi et l’instru. Le délire communauté existe quand même : j’ai vraiment des fréros dans le HipHop. Je comprends bien le délire « having fun » de ce mouvement et je l’ai donc je peux faire les deux. Je rap tout seul, mais avec tout le monde comme j’aime dire.

J’imagine que, ton futur projet sera ambiance Boom-bap? Vu ta mimique en entendant ma question je n’en suis plus si sûre finalement…

En fait c’est ça que j’aime et ce que j’ai entendu. Le premier morceau que j’ai compris et qui m’a parlé, c’est « La lettre » de Shurik’N, c’est comme si ton père te parlait. Avec ce qu’est devenu le rap, tu n’as plus cet effet de « choque ».  Mais je comprends le délire de la musicalité, écouter juste pour évacuer. Ma playlist est pleine de pe-tra, de rappeurs actuels. Ce n’est pas mon rap malgré le fait que ça me plaise. Ça me correspond moins. Il est possible qu’il y ait un peu de tout et c’est pour ça que je ne fais rien. Si je veux faire des sonorités actuelles, il faut que je le fasse bien.

Mais si ça ne te correspond pas, pourquoi en faire?

J’ai des morceaux « un peu plus frais ». Je suis très rap boom-bap mais je ne me donne pas de case. Rien que le terme rap conscient ne me plaît pas. Le fait de se bloquer dans un certain domaine d’instrus est très réducteur. En vrai, faut juste faire ce qui nous plaît, mais c’est difficile d’être bon partout. J’ai mis tellement longtemps à comprendre ce rap boom-bap, à le maîtriser. C’est tellement une autre approche le rap d’aujourd’hui qu’il faut que je reparte de zéro.

Merci Amir pour ces explications, sache qu’on attend ton projet avec patience.

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Léa Sapolin
Rédactrice en chef adjointe et webmaster du Magazine.
Passionnée de HipHop français et de musique à textes, en charge de la partie rap du magazine depuis mes 11ans.
Chargée de communication à mon compte et chef de projet Web à Oxatis.
Projet perso en cours : www.omega-13.fr

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