Canada à l’honneur avec cet album « concept » ? Visuellement parlant d’abord, avec une pochette embellie, jusqu’à l’ensemble du livret fourni, des illustrations de Ernst Haeckel extraites de Kunstformen der Natur, datées de 1904. Images délicates et détaillées invitant à apprécier la musique comme l’on déguste un grand vin, manque juste la phase odorante. Effectivement, dès les premières mesures, l’ensemble déroute. Une fusion de couleurs et parfums (odeurs ?) telle une vapeur couchée sur un lit de cordes. Courte intro qui laisse aussitôt place à un glissando de piano soutenu par une batterie sèche et marquée. Alors le chant se pose, tel un murmure, vite rejoint par des frottis de cordes. Les caractéristiques musicales de Monogrenade sont ainsi posées : « mais qu’est-ce qui m’arrive, tout dérive ». Découlent ensuite onze titres dans le style. Une invention pop classique féline, sinueuse, heureuse – malgré tout -, rêveuse. Un départ dans une dimension particulière, comme au-dedans de soi tout en planant quelque part, loin dans un espace intersidéral (« d’un autre œil »). Il faut entrer, et se laisser porter. Ce qui étonne, au travers de cette constante fluidité, est la manière dont peuvent rebondir les chansons. L’impression de calme et de lenteur est trompeuse. « ce soir » et son insistant « plus jamais pareil » inscrit une formule rythmique à la nervosité exclusive. La tension est gérée à perfection par des arrangements mis en œuvre par la quatuor « Mommies on the run ». Monogrenade réussi le tour de force de présenter un répertoire dont chaque élément peut apparaître comme une signature, une marque de fabrique. L’utilisation de la guitare, du piano… les bidouilles électroniques (« tantale », « obsolète »), jusqu’à écrire de quoi rendre tubesque l’art de « faire les cons » (« de toute façon »). D’ailleurs, quand on chante « j’ai la peau d’un lézard et les yeux d’un squelette », que proposer d’autre que de l’inattendu ?
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