Le rap est une des plus belles formes de poésie, nous en sommes convaincus. À ce sujet, nous sommes partis à la rencontre de Marc Nammour qui partage ce même point de vue et qui alterne entre projet HipHop et Écriture plus formelle. Cet artiste crée également des projets hybrides où les arts se rencontrent. Zoom sur La Canaille et son MC :

 

La canaille c’est bien plus qu’un MC, est-ce que tu peux nous présenter ton groupe ?

Alors je me suis entouré de musiciens qui ont bougé depuis la première formation, mais il y a toujours eu cette volonté de travailler avec plus qu’un DJ. Pour moi, un DJ est un musicien à part entière, mais je souhaitais aller plus loin. Je trouvais que, pour le show, c’était une vraie plus-value d’avoir une interaction avec un collectif.

Du coup, il y a souvent un bassiste, un guitariste et un batteur avec moi. Et ils sont toujours entourés de MPC. Il y a deux MPC sur scène, ainsi que des synthés, des claviers, etc. En ce moment Jérome Boivin est à la basse, Valentin Durup est à la guitare et à la MPC et Alexis Bossard à la batterie et à la MPC également.

C’est un vrai groupe : une voix, une personne. C’est-à-dire que lorsque j’ai enregistré l’album, on ne s’arrêtait pas tant que tout le monde n’était pas convaincu. En fait, on a vraiment un socle artistique et une base commune. Chacun à son style artistique, mais on se retrouve souvent sur ce qu’on kiffe. On est assez unanime.

 

Peux-tu nous raconter ta rencontre avec la littérature et comment tu t’es intéressé au rap ?

Ma rencontre avec la littérature c’est avec Rapatitude! (rires) Mon entrée dans la littérature c’est le rap!

Ensuite, je me suis intéressé à ce que faisaient les « Pères », mais c’est arrivé bien après. Je me suis intéressé à la poésie en tant que telle il y a 10 ans. Avant je n’étais pas du tout un lecteur. Ce qui m’a donné le goût aux mots, c’est le rap, cette poésie contemporaine.

 

Est-ce qu’un jour tu te vois faire un recueil de poèmes ?

Oui carrément ! C’est une forme particulière et j’ai envie de m’attaquer à ça ! Ça ne change pas trop par rapport à ce que je fais dans d’autres projets. Par rapport au rap, cela change effectivement, parce que dans le rap il y a la rythmique. Tu dois allier le fond, la forme, les rimes, et la métrique. En poésie, si tu fais de la prose, tu es beaucoup plus libre : il n’y a pas de contraintes. À partir du moment où la pensée est claire, elle s’exprime, et tu peux dérouler un texte assez rapidement. À l’inverse, pour moi le rap est le style de poésie qui regroupe le plus de contraintes.

 

Quel est votre top 5 des livres ou recueils à lire ?

« Cahier d’un retour au Pays natal » d’Aimé Césaire en numéro 1. J’ai aussi adoré « 1984 » de George Orwell, c’est complètement d’actualité. J’adore aussi Nâzim Hikmet, un poète turc, mais je ne saurais pas citer de poème en particulier. J’adore aussi Abdellatif Laâbi, c’est un poète marocain qui défonce ! Après je n’ai pas de poème spécifique en tête non plus. Peut-être que je pourrais tout de même citer « Le scorpion » pour Nâzim Hikmet, c’est un super poème.

 

Pouvez-vous me parler de votre dernier album et de sa spécificité par rapport aux autres ?

Le dernier album, qui s’appelle « 11.08.1973 », est vraiment un hommage à cette culture qui m’a bercé, qui m’a nourri, qui m’a élevé. Cet album est donc moins rock que les autres. Il n’y a plus de guitare saturée. Il est plus minimaliste aussi, et en même temps c’est celui qui sonne le plus HipHop pour moi et c’est volontaire. C’est un retour aux sources. Entre le troisième et le quatrième album, j’avais eu beaucoup de projets dans lesquels j’avais un peu délaissé ma manière de rapper. Et cette fois-ci, j’avais vraiment envie de rapper ! J’ai aussi innové dans mes flows, j’ai fais des trucs que je n’avais pas l’habitude de faire. J’ai aussi fédéré une scène indépendante autour de moi, comme Lucio Bukowski, Mike Ladd, JP Manova. Ce sont des potos qui sont également en indépendants et qui sont dans le rap à texte.

 

Vous êtes très sensible sur le sujet de l’identité et de l’acceptation de la diversité. Quel est votre ressenti actuel sur le sujet et pensez-vous que nous pourrons sortir du contexte actuel ?

Oui, je pense que c’est obligatoire même ! Une société consanguine n’ira pas bien loin ! Bon gré, mal gré, cela va bouger puisque de toute façon la société consanguine va mourir. Cela se fera peut-être par la force, peut-être par l’intelligence, ou bien dans la bienveillance. En tout cas, cela va forcément bouger ! Je pense que l’espoir est dans la revendication d’une identité de plus en plus multiple, complexe, en constante évolution. Aujourd’hui je suis l’homme que je suis, mais dans dix ans, j’aurai bougé, je me serai inspiré de plein de rencontres que j’aurai faites, de livres que j’aurai lus, de voyages qui auront eu une incidence sur « Comment je me sens » et « Qui je suis ». Je pense également qu’on ne répond jamais à la question « Qui je suis ? ». C’est toujours une question qui restera en suspens. Néanmoins, la vie c’est d’être toujours en recherche de qui l’on est. On cherche cette réponse, jusqu’à la mort. On s’en rapproche un peu plus chaque jour, mais il faut chiner.

Dans votre dernier album, quelle est la chanson qui vous tient le plus à cœur et pouvez-vous nous expliquer sa venue au monde ?

 C’est dur, une maman qui fait des enfants aime tous ses enfants…

J’aime bien « Parler aux inconnus ». Avec La Canaille on fait beaucoup de titres coup de gueule, « Parler aux inconnus » c’est juste de la bienveillance, il y a de la douceur. Dans ce titre on parle justement de l’apport des chants. Le rap vient d’une tradition orale et ces chants-là nous ont bercés et influencés d’une manière folle. Cette chanson c’est ma contribution et ma façon de remercier cet apport des chants. Avec Lucio on s’est éclaté à traiter cette thématique parce qu’il y a vraiment des millions de titres qui nous ont influencés.

Par ailleurs, pour ce morceau, je voulais vraiment un tapis sonore pas trop électro.   Il n’y a presque rien dans l’instru : une rythmique acoustique avec aucune boucle à l’intérieur. Le beatmaker a pris la track et, en one shot, a tapé toute la rythmique d’une traite. Il n’y a pas de drop dans ce titre. Je trouvais ça cool et cela a donné le « La » pour la construction de ce morceau. On s’est appuyé sur cette rythmique qui est tout le temps bougeante, qui n’est jamais la même, et c’est une belle particularité.

 

Quels sont vos projets à venir ?

Si on parle de La Canaille, il y a beaucoup de titres à venir. Je suis dans une phase où je suis très inspiré donc je gratte beaucoup. On va préparer un maxi avant le prochain album.

Et comme je vais voir aussi ailleurs que dans le rap, j’ai plein de projets en parallèle de La Canaille. Mais c’est toujours des projets où je joue sur les mots, d’une autre manière. Là je viens de finir une création qui s’appelle « Un homme qui crie n’est pas un ours qui danse », en référence à une phrase de Césaire qui m’a vraiment inspiré depuis le début. Ce projet est une rencontre avec le blues touareg, grâce aux membres de Tinariwen, de ceux d’Imarhan. On a un teaser de 9 minutes là-dessus. C’est un beau projet, c’est une fusion entre le free jazz, le blues touareg et le rap. Je suis dans une formule un peu hybride. C’est donc un projet que l’on va tourner et que j’adore. Je suis un grand fan de cette musique qui a un côté planant, un côté profond et engagé à la fois.

À côté de ça ,je suis en train de travailler sur un nouveau projet qui va allier musique, poésie et mouvement. Trois disciplines avec de la danse contemporaine notamment. En ce moment je m’intéresse beaucoup à la danse contemporaine parce que c’est un art très axé sur le fond. Il y a toute une réflexion autour de comment se place-t-on, qu’est-ce qu’on défend, quel propos doit-on défendre, etc. C’est pour moi une rencontre naturelle puisque le rap a aussi ce type de réflexion. C’est un projet que je mets en place maintenant et qu’on va jouer en 2018.

En parallèle, je tourne toujours avec le projet sur Césaire , »99″, qui traite de l’identité. Je travaille aussi sur d’autres créations notamment avec Vîrus et Kacem Wapalek. Il y aura des lendemains sur cette création. Ça foisonne de mon côté ! (rires)

Merci à Marc Nammour de La Canaille, à L’équipe du Molotov et à Alban de New Castle de nous avoir accordé ce moment.

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Léa Sapolin
Rédactrice en chef adjointe et webmaster du Magazine.
Passionnée de HipHop français et de musique à textes, en charge de la partie rap du magazine depuis mes 11ans.
Chargée de communication à mon compte et chef de projet Web à Oxatis.
Projet perso en cours : www.omega-13.fr

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