La première fois que je les ai rencontrés, je devais avoir 15ans, à l’époque de « Boomerang » et à l’époque où Aladji Man était encore à leurs côtés
À cette époque, tout comme maintenant, ils impressionnent. L’aura et la sagesse qu’ils dégagent me laisse admirative, la puissance de leur HipHop Sénégalais aussi.
Plus de 10 ans après rien n’a changé, sauf peut-être leur notoriété. Vous avez d’ailleurs peut-être eu l’occasion de découvrir Faada Freddy en 2015 aux Victoires de la Musique.
Nous l’avions interviewé au sujet de sa carrière solo (Lien vers l’interview).

Si je devais résumer « Daara J Family », je pourrais dire que ce sont des artistes avec un grand A, qui maîtrisent tout de leur art et savent ouvrir des cœurs, transmettre du positif.
J’ai donc tout fait pour les re-croiser lors de leur passage au Zik Zac Festival à Aix-en-Provence. (Au passage, ce festival gratuit propose une programmation originale et de qualité, je vous conseille vivement de vous y rendre).

Aux alentours de 1h30 du matin, alors que le public cherchait encore à rencontrer les artistes, le manager et le groupe m’ont accordé quelques minutes pour discuter, voici ce qui en a découlé:

 

Vous préparez un nouvel album prévu pour automne 2018. Vous le concevez également au gré des opportunités liées à la tournée. Peut-on connaître quelques anecdotes qui ont eu un impact sur la conception de cet album ?

Faada Freddy : Oui, on est carrément en chantier.

Si je dois parler d’anecdotes, ce serait de la rencontre inopinée au milieu de Kinshasa. Il y avait un studio au milieu d’un marché dans lequel nous nous sommes retrouvés avec des producteurs de sons, des rappeurs. On ne s’attendait pas à trouver des artistes au milieu d’un marché. On nous avait juste dit “vous allez en studio”, et on a traversé tout ce marché, avec les épices, les restaurants, etc. C’était assez marrant et cela nous a beaucoup inspiré. Cela signifie pour nous qu’au milieu de beaucoup de choses, on peut créer et se démarquer.

Donc pour résumer, dans la conception de l’album effectivement, on était en tournée à Kinshasa et on s’est fait une journée de studio. On est sorti avec un titre très fort, un featuring avec des artistes. C’est une parenthèse, et il y en a d’autres.

 

Cet album sera plus instrumental apparemment, peut-on en savoir plus ?

Faada Freddy : En fait c’est vrai que l’on incorpore souvent des instruments. On ne se contente pas seulement d’utiliser les nouvelles technologies avec les instruments virtuels parce qu’on aime bien le live. C’est vrai également que pour jouer les choses sur scène, on respecte le fait d’utiliser les instruments acoustiques et les instruments traditionnels. Il y a notamment un joueur de Kora, qui s’appelle Noumoucounda Cissoko. C’est un super joueur de Kora, il est intervenu dans le premier single de l’album qui est “Oyè”. Donc effectivement, on utilise des instruments de l’empire mandingue, de l’Afrique de l’Ouest.

 

Vous jouez de nouveaux titres en exclusivités sur cette tournée, nous en avons entendu deux ce soir, quels sont les premiers retours ? Êtes-vous satisfaits ? Est-ce que vous avez modifié certains morceaux ou certaines orientations de l’album en fonction des retours ?

Ndongo D : Oui c’est intéressant parce que si je prends le morceau “Jamono” que nous avons eu à faire dans une radio, c’était juste en acoustique. Quand cela a été publié sur internet, on a vu qu’il y avait vraiment du répondant alors que la version que nous avions conçue en studio, que Faada a composé, était une version avec de la programmation et des percussions. Du coup, nous nous sommes dit que la version acoustique live était intéressante, même si les gens n’ont pas entendu la vraie version. Cela va nous pousser à prendre des éléments des deux : garder un côté live, mais garder aussi un côté studio.

Le fait que le public reçoive le son en amont donne le ton et, en effet, peut nous pousser à faire des changements. On triche un peu entre guillemets (rires).

Mais en même temps nous ne sommes pas limités, nous pourrons faire une version “Jamono” album, et une version acoustique.

Faada Freddy : Le public participe à la conception de l’album. Il participe et a toute sa place puisqu’il a de l’influence sur nous. Même si nous avons de l’inspiration, nous ne chantons pas pour nous, nous chantons pour eux aussi. Ce qui les touche nous touche aussi de manière directe ou indirecte.

 

Des projets solos sont en cours, est-il possible d’en donner les grandes lignes ?

Ndongo D : Je suis sur un projet sur lequel j’ai travaillé à Dakar et un peu à Paris également. Aujourd’hui, je continue à creuser. Mon projet est assez rap et, en même temps, je me suis inspiré d’un penseur du 15ème siècle qui s’appelle Kocc Barma dont je reprends un peu les thèmes. Il y aura toujours l’approche de Kocc Barma qui a parlé des femmes et des enfants, des personnes âgées, etc. Je reprends un peu son concept. Je me suis aussi retrouvé en studio avec Faada, des rappeurs de la Casamance. On a eu à faire une reprise d’un thème d’un film. Tout cela sera dans mon projet et Mr Faada est en train de préparer des choses, attention ! (rires).

Faada Freddy : J’ai eu la chance d’écouter quelques exclus de son album et notamment d’y participer. Et c’est album, c’est un bijou. C’est un trésor caché dans la terre. Je pense que la musique a besoin de ce type d’album qui jumèle modernité et racines, plus que tradition. Cela vient de la source. C’est vraiment ce que j’ai entendu à travers ce que j’ai écouté de lui et je pense que cela va donner un nouveau regard sur ce qui est la vraie définition du HipHop. En sachant qu’il y a toujours les bases qui rappellent quand même que le HipHop est né en Afrique. Et il a su associer, je le dirais entre guillemets, « L’opéra africain ». C’est très rare, les chanteurs lyriques africains, les chanteuses lyriques de l’Afrique, avec, non seulement des instruments traditionnels, mais aussi le côté puissant du HipHop. Je pense que c’est quelque chose dont nous avons besoin aujourd’hui parce que c’est vraiment différent. C’est quelque chose qui sort du cadre et du format, qui exprime la liberté. C’est pourquoi cet album est vraiment très important pour l’industrie musicale.

 

Et cet album est prévu pour quand ?

Faada Freddy : Normalement, on se concentre sur l’album de Daara J Family et après on verra.

Ndongo D : Nous ne nous enfermons pas dans des délais. Le plus important pour nous est de faire un bon travail et de le livrer au public. Il y a des échéances, mais nous, on aime la scène, donc en attendant on kiffe, on partage avec les gens (rires).

Mais pour revenir à la question, lui aussi il travaille dur sur son projet solo. J’ai aussi entendu des choses très très fortes.

 

Il parait en effet que vous hésitez encore entre musique organique et matériaux de récupération sur votre projet?

Faada Freddy : Oui effectivement parce que, pour le moment, je suis toujours à cheval avec les objets récupérés et la percussion corporelle. J’adore explorer la voix, et j’adore explorer aussi les instruments naturels. Cela résonne vraiment en moi. J’aime beaucoup tout ce qui est organique, donc j’aime travailler avec les éléments de la nature qui m’interpellent. J’en suis là encore. Pour le moment je me fais plaisir dans l’écriture: Je parle de chose qui me touche vraiment. En l’occurrence : la liberté, l’amour toujours, et l’unité parce qu’aujourd’hui il y a beaucoup de choses qui nous divisent. Je parle aussi du pouvoir, de la politique, des multinationales, du système. Quand on voit que nous sommes tous devant notre portable dans une même famille, que les gens ne se causent pas, que chacun est sur son téléphone, on se demande ce qu’il se passe et cela nous pousse à écrire, à penser. On a envie d’écrire “Pose ton téléphone un moment et regarde-moi”. J’écris sur des thématiques comme celles-ci.

 

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D’ailleurs à ce sujet, la première fois que je vous ai rencontré, vous m’avez impressionnée par vos valeurs et le respect qui émanent de vous. Vous aviez une aura et, même dans votre façon de prendre la parole, il y avait une façon de vous écouter les uns et les autres qui était remarquable. Je voudrais donc savoir quelles sont les valeurs qui vous portent ?

Faada Freddy : Pour nous c’est assez visible et cela peut s’entendre dans le nom du groupe : c’est la famille. Il y a un proverbe chez nous qui dit « Andd andd lay Firri » « Quand on est avec quelqu’un, il ne faut pas être avec quelqu’un à moitié ». Notre amitié aujourd’hui va au-delà de la musique. Au-delà de la musique, nous arrivons aujourd’hui à communiquer sans ouvrir la bouche et c’est vraiment une bénédiction pour nous. Cela nous permet d’être sur la même longueur d’onde lorsque nous sommes en studio et tout l’album s’est construit avec cet esprit de famille et cette complicité. Si on croit qu’elle n’est plus là, c’est que parfois, on ne se tolère pas assez, on ne s’écoute pas assez, et on ne laisse pas à l’autre l’espace pour apprendre de nous-mêmes. Car chacun est le miroir de l’autre. C’est ce qui unit notre relation. Je me vois à travers lui et lui se voit à travers moi. Chaque jour, nous avons des discussions qui ne sont pas si banales. Tous les jours nous parlons du monde, sans interviews, nous parlons du sort du monde. C’est quelque chose que l’on partage : le sort de l’humanité nous interpelle. De ce fait, nous avons tous les deux envie de donner la main, de faire quelque chose à notre petite échelle. Même si on sait que le monde est vaste et qu’il y a tellement de vies, à petite échelle, nous pouvons faire les choses. Le fait de partager le même combat nous unit : le travail pour les enfants de la rue, la lutte contre le cancer chez les enfants, les associations, le travail de la terre pour éviter que l’on coupe les arbres, etc. Ce sont des valeurs que l’on partage et qui, de plus en plus, nous unissent. Cela nous créé une famille qui ne dépend pas de l’origine, de la couleur, ni du passeport.

Ndongo D : Il a tout dit !

 

Il était déjà plus de deux heures du matin et les artistes devaient se rendre tôt le lendemain dans une autre ville, pour un prochain concert, il était donc temps de les laisser se reposer.
Merci Ndongo D et Faada Freddy pour ce concert et cet échange. Merci le ZikZac Festival de créer de telles opportunités et d’offrir des concerts de cette qualité gratuitement au public de la région.

 

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Léa Sapolin
Rédactrice en chef adjointe et webmaster du Magazine.
Passionnée de HipHop français et de musique à textes, en charge de la partie rap du magazine depuis mes 11ans.
Chargée de communication à mon compte et chef de projet Web à Oxatis.
Projet perso en cours : www.omega-13.fr

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