Contrairement au « Life » de Keith Richards, « Une vie » n’a pas pu être rédigée par l’artiste en personne, forcément. Néanmoins, ce livre est le résultat de fructueuses recherches menées par l’auteur à force de rencontres et d’interviews. Dès les premières pages, Philippe Norman plonge le lecteur dans l’Angleterre de l’après-guerre et plante le décor social. Cette immersion est d’une précision déroutante quant à la recréation de l’ambiance locale, au point d’en arriver parfois à se sentir presque positionné en tant que voyeuriste. C’est surtout le cumul de détails qui donne un caractère surréaliste aux descriptions. Néanmoins, au fil de la narration, on comprend bien que Philip Norman s’est appuyé uniquement sur des éléments résultants de recherches journalistiques vérifiées. Ce qui étonne aussi, c’est ce voyage non pas au-delà de la fantastique vie « imaginée » d’un Beatle, mais de ce qui a pu être le déclencheur d’un destin aussi foudroyant. Pour qui a vu le long-métrage « Nowhere Boy » sur la vie de John avant les Beatles, on retrouve globalement les principaux éléments du parcours, de l’enfance à l’adolescence et à la naissance d’une passion. Ce qui peut choquer, ensuite, est cet angle d’observation, du point de vue de l’intéressé. John Lennon n’était jamais vraiment à l’aise dans ses baskets, toujours en décalage avec une réalité incapable d’être en phase avec ses ambitions premières. Lorsque le groupe ne s’entendait même plus chanter en raison de la puissance des cris du public, comment un musicien pouvait-il sentir que l’on apprécie sa « création » ? Mais, et c’est là où ce document rend complètement justice à l’homme, c’est comment il démontre ainsi qu’à chaque piège rencontré, l’attitude adoptée à donné naissance à quelque chose de fabuleux. L’inventivité des Fab Four a sans cesse été une réponse faisant face aux réactions inattendues provoquées par leur musique. Il fallait aller plus loin encore et encore, s’adapter à de nouvelles problématiques, relever de nouveaux défis. Le public n’a bien souvent vu que des lueurs, les seuls éléments visibles d’un iceberg de solitude(s). Pourtant, les Beatles étaient unis et, même en période de désaccord, savaient accorder leurs instruments en studios pour le travail. John Lennon a été le porteur, l’initiateur. La dualité avec Paul Mc Cartney a été constructive, quoiqu’il se soit passé au bout du premier chemin, celui du quatuor, la suite a démontré – avec discrétion obligée -, qu’il n’y avait plus cette tension médiatisée. Seulement chacun, à un moment, a du suivre une autre route, son propre chemin. John était le révolté, l’abandonné, l’enfant un peu perdu, jamais rassasié. Tout ce qui a pu être mis sur le dos de Yoko Ono prend ici une autre dimension. Yoko n’a certainement pas été le vampire intéressé trop souvent décrié. « Une vie » remet les points sur les i et parvient à démontrer comment finalement John Lennon est parvenu à force d’obstination à trouver un réel bonheur de vivre. Seul défaut à ce bonheur, celui d’avoir aussi peu duré.
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