Découvert en première partie de HER à l’Espace Julien, il fallait que nous rencontrions Martin Mey. Cet artiste marseillais que l’on avait déjà remarqué dans le duo de Ghost of Christmas nous a bluffé en solo. Alors qu’il est seul sur scène, il parvient à développer un spectacle énergique, porté par son électro atmosphérique si singulière.

Fort d’un premier album « Taking off » il revient cette année avec un deuxième opus « Words (Without) » qui sortira le 29 mars prochain.
Tantôt légers, tantôt énergiques mais toujours incroyablement évocateurs, les titres qui composent l’album « Words ( Without ) » nous ont conquis.
Nous avons retrouvé Martin Mey autour d’un café sur le Vieux Port de Marseille.

Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, est-ce que tu pourrais nous rappeler ton parcours ? Qui est Martin Mey ?

Martin Mey c’est moi ! J’ai presque 35 ans et ça fait 10 ans que j’ai un projet solo et que je travaille aussi sur d’autres collaborations diverses. J’ai notamment travaillé avec Ghost Of Christmas récemment ou sur l’album de Fred Nevché, un artiste marseillais.

Aujourd’hui je me concentre sur mon projet solo qui avance et pour lequel j’avais déjà fait un premier album en 2014 qui s’appelait « Taking Off » et avec lequel on a fait une belle tournée.
Ensuite j’ai pris le temps de mûrir mon deuxième album qui sort là et qui s’appelle « Words (Without) ».

Dans quel état d’esprit as-tu produit ton deuxième album, « Words (Without) » ?

Je pense que pour tous les artistes, un album c’est un long cheminement. L’état d’esprit évolue beaucoup entre le moment où tu es euphorique et le moment où tu es complètement désespéré de ne pas arriver à finir ton album.

J’ai fait un premier album il y a 4 ans dont je suis toujours très fier et que je trouve très bien. Mais j’étais plus jeune, j’avais moins d’expérience donc il y a plein de paramètres qui font que l’on ne maîtrise pas tout.

Pour ce deuxième album j’ai eu envie de prendre le temps de réfléchir à ce que je voulais vraiment faire, quitte à me séparer de l’équipe avec laquelle j’avais fait l’album précédent. Ça m’a pris du temps, j’ai recherché ce que j’avais envie de partager avec le public, ce que je voulais raconter et je suis content parce que même s’il y a eu des hauts et des bas, que ce fut long, parfois difficile, ça donne un album que je trouve réussi.
Je n’ai jamais été aussi content et en phase avec mes morceaux et j’espère que ça parlera aux gens.

Tu es plutôt autodidacte ?

Je suis complètement autodidacte, j’ai appris avec ma mère en fait qui m’a mis sur le piano quand j’étais petit. J’ai appris de manière pas tout à fait orthodoxe.

J’avais pris quelques cours mais j’étais un peu réfractaire donc j’ai plutôt fait mon petit chemin en solo.
J’ai appris la guitare comme les copains, à 15 ans ou 17 ans. Mon instrument de prédilection à la base c’est plutôt le clavier et puis après c’est la voix qui est devenue mon instrument favori et là aussi je suis complètement autodidacte. Quand j’étais petit ou ado je chantais pas du tout, je fredonnais, je marmonnais dans ma barbe, enfin dans mon duvet (rires).
J’ai toujours chanté plutôt juste mais ça ne sortait pas.

C’est seulement à force d’expériences partagées avec d’autres que j’ai pu dépasser ça. Et aussi le fait d’avoir chanté dans la rue à mes débuts. C’est en chantant dans la rue que je me suis mis à sortir ma voix et que j’ai fini par découvrir que je pouvais chanter.
Après ça j’ai commencé à être choriste dans les groupes auxquels je participais. Les harmonies vocales c’est vraiment mon truc.
Et maintenant je transmets ça. Par exemple avec Fred Nevché. On a enregistré ensemble son album et je suis devenu un peu son coach vocal.

Tu as travaillé avec French 79 (Simon Henner), Gaël Blondeau au sein de Ghost of Christmas, avec Fred Nevché… Que t’apporte le fait de collaborer avec d’autres artistes ?

Ces collaborations, ça m’apporte énormément de choses que je ne peux pas forcément mesurer.

Plus concrètement, ma rencontre avec Simon a été fondamentale.
Simon a réalisé mon premier album. Avant ça j’avais déjà fait des disques et des EP solo mais de travailler avec Simon ce fut vraiment un déclic pour moi. C’était la personne avec qui je pouvais travailler des synthés, des textures plus électroniques alors qu’au départ j’étais pas du tout électro. Je viens vraiment de la folk, plutôt piano/voix ou guitare/voix, des choses très acoustiques ou plus soul.

Quand j’ai rencontré Simon, je me suis dit : tiens, ça c’est le mec avec qui je m’entends bien, qui produit très bien l’électro et à qui j’ai envie de confier la réalisation de mon premier album. Il a fait ça très bien.
La collaboration avec Gaël dans Ghost of Christmas, c’était le prolongement de ça. C’est vraiment un projet dans lequel je me suis épanoui. J’ai beaucoup plus joué aux synthés, joué des arpeggiators et ça m’a permis ensuite d’assumer de prendre cette voie là pour mes productions personnelles.

En fait je crois que j’ai toujours fait de l’électro mais sans le savoir.
J’ai toujours été fasciné pour la musique répétitive, la musique de transe. Et l’électro c’est ça !
Pour mon album « Words (Without) », c’est MaJiKer, musicien et arrangeur anglais, qui m’a permis de me rendre compte de cela et d’aller au bout de mes idées, notamment sur l’aspect instrumental et électronique.
J’ai enregistré principalement le disque tout seul chez moi mais on l’a réalisé ensemble avec lui et son collègue Jo Pereira pour le mix, à Londres.

Ce qui m’a frappé dans ton album c’est aussi son côté éclectique. Je trouve qu’avec ton travail on se retrouve un peu à la frontière entre Superpoze et James Blake mais on se fait souvent surprendre par des thèmes incroyables que l’on pourrait plus facilement associer à des compositeurs comme Ennio Morricone, notamment dans ta musique « Urban Mood ». Que peux-tu nous dire sur cette diversité ?

Ça me touche beaucoup que tu penses à ce genre d’associations parce que c’est exactement ce que je cherchais avec cet album : réussir à croiser au mieux ces influences-là.

D’un point de vue électro je suis beaucoup influencé par des classiques : les Daft Punk, Sébastien Tellier et des artistes comme ça que j’ai l’habitude d’écouter en boucle.
Dans le travail de ces compositeurs là il y a parfois des instrumentaux très forts qui ont ce côté très single sans pour autant qu’il y ait de paroles.
Comme chez Ennio Morricone où il y a cette classe absolue, ce truc tellement évocateur et tellement puissant.

Je chante en anglais et je n’ai pas envie de chanter en français par défaut. Mais en même temps j’ai cherché le moyen d’avoir un langage universel, que les gens puissent s’approprier mes morceaux facilement.
Je trouve qu’il y a une force incroyable dans le fredonnement, notamment dans les musiques d’Ennio Morricone. C’est tellement évocateur !

J’aimerai que l’on parle de ton clip « And a child ». Je le trouve assez énigmatique. Est ce qu’il y a un message particulier que tu voulais faire passer ?

C’est toujours difficile pour moi de répondre à la question du message parce que justement mon message c’est quelque chose qui est non-dit. D’où d’ailleurs le titre de l’album : Words (Without).
Je n’ai pas tellement envie de donner une signification trop personnelle et trop forte à ce clip-là.
J’ai plutôt envie qu’en voyant ce clip, chacun puisse ressentir des émotions différentes.

C’est un clip qui est avant tout graphique : c’est du noir et blanc, c’est rythmé et en même temps c’est parfois un peu plus torturé, parfois un peu moins et c’est un rapport avec la nature, entre moi et le paysage.
Je précise que ce clip est le premier d’une série de 3 et avec chaque single il va y avoir un clip tourné par le même réalisateur, Seb Houis, un peu sur le même thème. Donc il y aura un prolongement dans les clips suivants, sans que ça raconte une histoire trop fermée.

Une autre dimension importante est celle de ma relation avec les autres.
Ce que j’appelle les autres c’est le public, mes proches : ce thème là c’est le thème central de mon album.
Je me suis rendu compte après avoir fini l’album que toutes les chansons parlent d’un rapport entre les gens et moi. Que ce soient mes proches, que ce soit le public, que ce soit des gens que je croise dans la rue. De l’ambiguïté entre la solitude et une envie de collectif.

Sur plusieurs titres de ton album, on entend une voix féminine qui se détache. À qui appartient-elle ?

C’est celle de Paulette Wright, qui chantait déjà sur le premier album.
La première fois que je l’ai rencontré c’était sur l’album précédent où on me l’avait présenté et on avait fait un premier feat. C’était un morceau improvisé, c’était très beau.

On est resté en lien et puis finalement je l’ai invité à participer à mon projet live, à ma nouvelle tournée et à enregistrer aussi sur l’album.
Il y a beaucoup de voix qu’on entend sur l’album, il y a beaucoup de mes voix en boucle et en harmonie et il y a aussi des voix de chœurs du conservatoire de Toulon, un groupe vocal avec qui j’ai beaucoup travaillé pour faire cet album.

Il y a une voix féminine qui se détache qui est celle de Paulette Wright qui malheureusement a disparu entre temps, entre le moment où on a enregistré et le moment où l’album sort.
C’était un grand drame pour moi.

Je suis heureux de sortir ce disque avec sa voix. Elle m’a beaucoup inspiré et porté.
On devait partir en tournée ensemble mais finalement je serai seul sur scène, avec encore plus l’envie de partager collectivement quelque chose.

Je trouve que de tes morceaux se dégage une ambiance introspective, presque spirituelle est-ce que c’est voulu ?

Voulu je ne sais pas parce que je crois qu’on ne maîtrise jamais vraiment complètement son intention. Ce côté spirituel je pense qu’il est de plus en plus marqué. J’ai toujours fait des chansons introspectives.
J’essaie de transmettre une émotion à partir de mes histoires vécues.
Et le côté spirituel ce n’est pas très pensé chez moi. C’est vraiment plus spirituel que religieux mais il y a un côté mystique, je ne saurais pas bien l’expliquer.

Disons que je préfère pas trop en dire là-dessus parce que justement ce qui est spirituel je crois que c’est aussi beaucoup ce qui ne se dit pas, ce que chacun ressent à sa manière, c’est ce que la musique te fait à toi.
Plus j’avance dans la vie et dans mes projets, plus je me connecte à cette dimension-là.

Cet aspect-là passe aussi par des influences musicales. Je suis influencé par la musique sacrée, la musique vocale, des choses qui sont très introspectives et très aériennes en même temps. Je peux à la fois penser à la musique de Bach ou de classiques comme ça mais aussi à la musique sérielle, la musique contemporaine.

Par exemple Steeve Reich et ce genre de références-là qui me parlent beaucoup dans ma recherche musicale.
Je me nourris aussi du Jazz ou des prolongements de ces musiques-là, notamment Nils Frahm.

J’ai eu l’occasion de te voir en live en première partie de Her. J’ai trouvé ça très bien mais tu as prévenu le public du fait que tu n’avais pas encore eu trop le temps de répéter le set. Quelle forme va prendre le live de Martin Mey une fois rodé ?

Oui cette première partie de Her c’était super, ça s’est très bien passé pour une première date à Marseille et effectivement je n’étais pas tout à fait prêt parce qu’on a pas fini la création visuelle du live notamment et que je n’avais pas encore beaucoup répété, mais j’ai une vision assez claire du live et de la tournée qui va arriver bientôt.

C’est un live solo. Je suis seul sur scène avec mes machines, avec mes boucles de voix, avec ma voix et mon clavier. Par contre, ce que j’ai vraiment envie de transmettre, c’est un sentiment collectif.
Avec toutes ces musiques très fredonnées, j’essaie de créer une sensation d’immersion pour le public.

On recherche aussi cela par le biais du travail de la lumière. Je rêve de pouvoir faire un live où tu viens à un concert à priori normal et puis finalement tu te retrouves immergé dans le son, comme si tu faisais partie du live.

On ne peut pas plaire à tout le monde mais j’aime bien l’idée que ma musique puisse être rassembleuse et que les mélodies permettent au plus de personnes possibles de s’identifier.
C’est le côté pop de cette musique.

Outre la musique, est-ce que d’autres formes d’art t’inspirent ?

J’aime beaucoup les arts visuels au sens large, la photo en noir et blanc notamment. J’étais admiratif des artistes qui font leurs pochettes d’album, qui font leurs visuels et j’avais l’impression que je n’en étais pas vraiment capable parce que je ne sais pas trop faire grand-chose de mes mains.
Mais j’ai trouvé ce truc il y a 4/5 ans, une forme de Street Art qui s’appelle le « Tape Art » qui est l’art de faire des dessins dans la rue avec du scotch. Je me suis approprié ce truc-là qui est assez peu répandu en France, c’est très berlinois.

Sur Words (Without) par exemple tous les visuels sont fait à partir de scotch sur des murs, sur le sol ou dans la nature.
Il y a quelque chose dans le Tape art qui me ressemble beaucoup et qui ressemble beaucoup aux morceaux que je fais. C’est très graphique, c’est très épuré, à l’image des clips que tu as vus.
Ce qui me plait aussi dans le Tape Art c’est son côté éphémère. J’en fais dans la rue et il y en a qui sont sur des murs depuis 5 ans et qui n’ont pas bougé. Et en même temps si tu veux les enlever en une minute c’est fait et ça ne laisse pas de trace.

Donc il y a un côté très éphémère, très brut aussi. Le logo que tu vois sur la pochette je l’ai fait à l’arrache, je ne m’applique pas vraiment et en même temps ça donne l’impression de voir un logo vectoriel. On a l’impression que ça flotte un peu dans l’air.

Des choses à annoncer à nos lecteurs ?

Oui, il y a la sortie de l’album, la suite des clips, et le début de la tournée !
Après « And a Child », le second clip est sorti pour le single « Calm Down ».
C’est le morceau le plus « Martin Mey » si l’on peut dire… C’est à la fois une chanson très clavier/voix au départ et puis il y a une dimension beaucoup plus électro et transe qui se développe dans le morceau.

Le troisième clip, ce sera sur « Love Me Now » qui est pour le coup le morceau le plus électro du disque et en même temps un des plus rassembleurs en live.
Il y a à la fois un côté très électro et à la fois très immédiat, très facile d’accès avec un message d’amour universel.
On a tourné les deux derniers clips en Islande, on va avoir de très belles images en noir et blanc.
Je recommande d’aller voir ça, ça sort en même temps que mon album donc le 29 mars.

Avec chaque clip, je sors aussi une version acoustique du morceau. Si on est intéressé par le côté un peu plus intimiste et acoustique il ne faut pas hésiter à aller voir les versions acoustiques. C’est une autre manière d’entrer dans les morceaux.

La suite de l’actu c’est la tournée avec de belles dates qui vont arriver !
On joue à Paris à « La Boule Noire » le 15 mai pour ma release party, et d’abord à Marseille le 22 mars au Musée Regards de Provence. Le 11 avril je jouerai à Hyères pour le Festival Faveurs de Printemps, et je joue au Printemps de Bourges le 20 avril, une jolie date aussi évidemment…
Il y en aura d’autres après, ce n’est que le début de la tournée !

Nous remercions Martin Mey pour le temps qu’il nous a accordé et vous invitons vivement à découvrir son deuxième album : Words (Without).

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Raphaël Carlier
Musicologue, musicien et rédacteur spécialisé en musique Pop et électronique.

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