Sidney, c’est à lui seul que nous devons l’arrivée du HipHop en France, et plus précisément sur nos écrans. Animateur Télé, il est à l’origine de l’émission « H.I.P. H.O.P. » datant de 1984, la première émission au monde traitant de cette culture, rien que ça ! Il amènera sur le plateau Sugarhill Gang, Kurtis Blow, Afrika Bambaataa, Madonna et tant d’autres.
Mais que devient cet animateur & DJ emblématique ? Celui-ci est de sortie et a pointé le bout de son nez au Makeda dans le cadre du festival Meltin’Art, l’occasion rêvée pour nous de partir à sa rencontre.
En guise de présentation, pourriez-vous parler du Sidney présent au Makeda : son état d’esprit, ses actualités et sa posture actuelle ?
L’état d’esprit est toujours le même. Je ne suis pas quelqu’un de blasé, je suis quelqu’un qui attend d’être surpris. Je suis quelqu’un de serein. Quand les gens m’appellent pour me demander quelque chose, je leur dois déjà quelque chose du fait qu’ils m’appellent. Donc je suis dans un état d’esprit dans lequel je me demande si je serai à la hauteur. Même après presque 50 ans de métier et 35 ans de HipHop, l’état d’esprit est toujours très très cool, avec un poil d’inquiétude. C’est l’inquiétude de l’artiste qui se demande s’il va bien faire et si ça va bien se passer. J’ai plus de métier aujourd’hui derrière moi que devant moi, donc je reste cool. Même si on connait le domaine et la matière, on est confronté à un nouveau public, on ne sait pas qui va venir. C’est d’abord et avant tout une surprise.
Ensuite, concernant mon actualité, je prépare un album. Je vais fêter mes 50 ans de métier l’année prochaine dans une salle à Paris. Je veux fêter mon parcours, la santé, la musique et fêter cette chance que j’ai eu de pouvoir faire ce que j’aime, de vivre de ma passion. Il faut que je le partage. Je suis de toute façon toujours à l’affut d’une raison pour faire la fête. Je prépare donc un album, il y aura déjà quelques briques qui seront sur YouTube. Puis, après, ce sera en live avec des musiciens.
Dans mon actualité il y a toujours mon parcours de DJ aussi bien pour des soirées HipHop, funk ou lorsque je fais de l’évènementiel. Je viens par exemple d’animer un événement au Havre. En fait, je ne suis pas que HipHop. Le HipHop seul ne m’intéresse pas, ce qui m’intéresse c’est tout ce qui englobe cette culture ainsi que toutes les musiques.
Globalement comment s’est passée la soirée au Makeda ? Qu’ont manqué les absents ? Il y avait de la danse, des Djs, avez-vous fait un duplicata de l’émission façon 2019?
Je ne me tourne pas vers le passé, mais l’ambiance est comme dans le passé. Les gens sont nostalgiques. Sauf que le passé n’est bien que si tu en fais quelque chose de bien dans l’avenir. L’ambiance est la même et ne change dans aucun milieu d’ailleurs. Une soirée dansante au bal musette reste identique à celle d’avant. L’idée de faire la fête est la même, c’est le même état d’esprit. Ce qui est différent c’est d’avoir cette nouvelle génération, présente et à l’écoute. Les absents ont par contre tout raté et je ne peux rien pour eux. La magie a opéré. Imhotep et Daz (beatmaker & DJ d’IAM, présents tous les deux lors de la soirée, ndlr) sont très très forts. L’ambiance était fantastique et c’était marseillais : il y avait du HipHop, du funk, du raï, c’était multiculturel. Le HipHop est universel, tout le monde à des cultures différentes.
Il y avait aussi David Cola, qui est aujourd’hui prof de break à Marseille et qui était présent, enfant, dans votre émission, quelle émotion cela procure ?
Personnellement, à chaque fois que je vois David, je vois le petit qui a grandi, une figure importante dans le HipHop à Marseille, qui a trouvé sa place. C’est marquant, c’est resté un excellent danseur et cela me fait extrêmement plaisir. C’est un peu comme si j’étais son père, son oncle, et que depuis tout petit je vois son parcours. Mais il n’y a pas que lui. Il y a plein de petits qui étaient à mon émission et qui ont fait leur place. Ils se sont fait un nom qui va prospérer après ma mort. J’en suis encore plus heureux. Ce n’est pas comme toucher un salaire uniquement, on a un héritage qui a marché. Si bien que David fait des petits aussi. On est dans une culture qui « fait » la vie pour beaucoup d’entre nous. Je sais que je suis à la base de l’arrivée de ce mouvement, je suis donc dans un état de grâce.
Quand je rencontre David Colas, on se serre dans les bras et c’est sincère. C’est une chaleur que peu de personnes connaissent. Peu de gens vivent ce que je vis aujourd’hui : avoir transmis une passion à autant de personnes qui en vivent et qui perpétuent cette transmission. C’est le summum pour moi.
J’ai la chance d’avoir rencontré les bonnes personnes, d’avoir flairé les personnes à talent : David Colas, Joey Starr, Zoxea, Madonna. Ces gens-là avaient déjà ce talent et je les ai flairés.
Si on vous donnait aujourd’hui carte blanche pour recréer une émission sur le HipHop, comment vous y prendriez-vous en terme de contenu, de média, de format et éventuellement d’invités ?
D’abord je ne ferais pas une émission uniquement sur la danse. À l’époque mon rôle était d’apprendre à la France à danser. Je partirais cette fois sur une émission universelle, touchant la danse évidemment, mais aussi l’ensemble des disciplines de la culture HipHop : le graff, le rap / les poètes, le Djing, le BeatBox, les musiciens, les beatmakers, etc. Il y aurait à chaque fois des séquences avec tous ces gens-là autour d’une table pour véhiculer leurs actualités, parce qu’il y en a plein. Et il y aurait aussi des producteurs autour de cette table. Le but étant d’avoir un talkshow intéressant, non seulement sur la partie culturelle, mais aussi sur la partie sociale, car le HipHop c’est social. Il y a vraiment des choses à dire : les rappeurs dénoncent beaucoup de choses.
Pour le format j’opterais pour une heure, une heure et demie le soir. Il y aurait aussi des rubriqueurs qui analyseraient l’actualité et feraient des micros-trottoirs. C’est super important ! Et le tout ne s’arrêterait pas à la France. Que s’est-il passé à Alger ? Marseille ? Lyon ? Au Battle of the Year ? Au Japon ? On pourrait racheter des reportages à d’autres réalisateurs et cameramans pour parler de tout ce qu’il se passe en France et dans le monde autour de la culture HipHop. Il y a vraiment à faire. Je laisserais aussi la parole à la nouvelle génération, à de nouveaux présentateurs qui seront cultivés dans le domaine, dans le domaine de la starmania du HipHop aussi d’ailleurs. Il y a énormément de modèles possibles ! On peut parler de ce que sont devenus certains artistes, des nouveaux, de nouveaux courants et types de danse en Afrique par exemple.
Si on pouvait faire une émission comme ça, les jeunes regarderaient la télé ! Les animateurs seraient jeunes, ils pourraient s’identifier. Et moi j’arriverais comme un parrain pour donner les cartes, donner l’authenticité et un vrai fond, une vraie forme à une émission HipHop. Ce serait bien !
Vous avez un nouvel album? Quelle est la recette que vous avez utilisée pour le concevoir ?
Ça fait longtemps que je le prépare. Ça va me représenter : représenter non seulement ce que j’écoute, mais ce que j’ai vécu également. Il y aura du funk, du disco-funk, du HipHop, du Jazz, du jazz-rock, du jazz-funk. Il y aura tout ce que j’aime en musique. Ce sera un album assez complet, il n’aura pas qu’une seule couleur musicale.
Il y aura un morceau qui s’appelle par exemple “Angèle”, morceau que j’ai écrit il y a plus de 30 ans. Il y a une assez belle mélodie que j’ai écrite au piano. Il y a des choses complètement différentes. Il va s’appeler “Hors format”.
Quand il va sortir, comment nous conseillez-vous de l’écouter, dans quel état d’esprit ?
Je déconseille de l’écouter dans des écouteurs à 20 balles ou avec des téléphones. On s’embête à faire de la stéréo et un son de qualité alors pour quoi écouter sur des trucs avec lesquels on n’entend rien.
Dans cet album j’ai un hommage à Barry White avec des violons et des instruments. Ça ne s’écoute pas comme ça. La musique il faut la respecter. Quand il n’y a rien dans la musique, je veux bien qu’on l’écoute avec du matériel de faible qualité, mais moi j’ai quand même dix musiciens sur scène. C’est un album abouti et je demande à ceux qui veulent l’écouter de le faire avec quelque chose d’abouti.
Aujourd’hui on a internet et plein d’outils de qualité. Tout est sonore de nos jours, mais l’écoute n’est pas optimisée. C’est tellement sacré pour moi la musique. Chez moi il y a de la musique dans toutes les pièces, des pianos partout, ça fait partie de ma vie.
Et cet album, sera-t-il à écouter plutôt le matin ? Le soir ? De bonne humeur ? De mauvaise?
Je vais faire le bon commercial : Il faut l’écouter tout le temps. Moi j’écoute toujours plusieurs fois un album, c’est important pour tout percevoir et le percevoir différemment selon le moment. Il faut prendre le temps pour la musique. C’est vrai qu’il faut tout de même attendre le moment, le moment où on a le temps de découvrir un album. Certaines fois j’en garde sous cellophane longtemps et puis lorsque j’ai plusieurs kilomètres à faire en voiture, je le mets et l’écoute. C’est vrai qu’avec un album : il y a un début et une fin et il faut l’écouter en une fois.
Dans cet album, quel est le morceau qui vous a donné le plus de fils à retordre ?
L’hommage à Barry White parce qu’il y a beaucoup d’arrangements et que je ne pouvais pas faire venir un orchestre symphonique. Il a fallu que je prenne des hautbois, des violons, tout par moi-même, et je ne suis pas chef d’orchestre. Ça m’a pris beaucoup de temps, mais ce n’était que du plaisir. On se prend la tête à faire de la musique, si elle est bonne c’est très bien.
Là, je me prends la tête sur des titres, mais les gens m’attendent au virage. Je n’ai pas envie qu’on me dise que c’est dégueulasse. Si on me dit que ce n’est pas bien, ce n’est pas grave, moi je saurai que j’ai fourni un travail de qualité. C’est ce qui m’importe.
Vous avez donc tout fait vous-même?
Oui pratiquement. J’ai fait l’album pratiquement tout seul. Par contre, je m’entoure de musiciens qui viennent apporter une meilleure qualité. Je ne choisis que des gens meilleurs que moi. Ils viennent enrichir l’album. Tout seul c’est bien, mais on est limité. Autant prendre des gens qui viennent améliorer la qualité. Je cherche le summum.
Un mot de la fin ?
Ce sera “HipHop” !
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CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :
- Rédactrice en chef adjointe et webmaster d'Extended Player. Amoureuse du rap français et des bonnes punchlines, je pilote la section rap du mag depuis que j’ai 11 ans (oui, déjà !). En parallèle, je suis communicante freelance et chef de projet web, avec une expertise en e-commerce. Toujours connectée, toujours à l'affût des sons qui parlent et qui touchent !
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