La première fois que je les ai vus, ils sont arrivés en salopettes colorées, resplendissant, portant un smile de grande envergure sur leur visage. Ils étaient là, au centre du théâtre de la mer, les vagues en arrière-plan, c’était le Demi Festival. Parmi ce festival HipHop où les puristes se ruent, ils détonnaient. Billet d’humeur, ce n’est pas du rap, c’est de la pop. Mais pourtant, ça s’immisce très bien au cœur d’un tel festival. On trouve au sein de ce groupe les valeurs qu’on retrouve dans le HipHop, et le côté musique urbaine. La seule différence c’est que c’est chorégraphié, dansant, et ça chante. Les voix sont au cœur du projet, simplement sublimées par les sons du DJ.
La seconde fois que je les ai vu, c’était sur la scène flottante du Canal de Sète, lors d’une nouvelle édition de ce même festival, là même où j’avais vu quelques années plus tôt Petitcopek qui vient tout juste de sortir son album. Une seconde fois, j’ai adoré. Et comme ce festival est un condensé de rencontres, un bouillonnement d’artistes au cœur d’une petite ville du pourtour de la méditerranée, quoi de plus naturel que de capter Brice et JB, membres de Billet d’Humeur, en pleine nuit, après des concerts de folie et un espadon partagé sur une terrasse animée ? Une occasion rêvée pour leur poser quelques questions et enfin vous les présenter.
Pourriez-vous présenter chacun des membres du groupe?
Brice : Je présente JB, le DJ. Musicalement c’est le panache, la puissance scénique de Billet d’humeur. Avant nous étions uniquement en vocaux et JB a apporté ce côté punch et électro que nous pouvons entendre sur scène. Côté tempérament c’est une force tranquille (rires). On dirait qu’il n’est pas très présent, mais ceux qui parlent le moins en savent le plus (rires).
JB : Brice apporte musicalement une vision. Alan (le beatboxeur du groupe) et moi sommes un peu des autistes de la musique. Brice, lui, nous apporte la direction. Il sait, il voit comment doit être la musique. Et c’est également lui qui fait les paroles. En terme de tempérament, il a vraiment celui du leader. Quand tu prends du recul, tu te rends compte que chacun est à sa place, et chacun y est naturellement. C’est dans son tempérament et c’est ce qu’il est. Moi je ne pourrais jamais être un leader. Brice est impulsif, avec toujours un but en tête.
Brice : Et du coup dans le groupe il y a aussi Alan & Davy qui sont à côté (au restaurant où je les ai retrouvés). Davy est la deuxième voix et, sur scène, c’est l’ambianceur, celui qui a l’approche la plus simple avec le public. Il a aussi la voix la plus R’n’B, ce qui est intéressant pour les symbioses. Et en termes de tempérament, Davy c’est le plus doux du groupe, dans tous les sens du terme. C’est le petit frère du groupe pour nous.
JB: Musicalement, Alan apporte beaucoup. C’est un multi-instrumentiste, il a l’oreille absolue. Il a une capacité à trouver la mélodie juste, c’est un très bon compositeur et très bon beatboxer aussi.
Brice : Et il a la meilleure voix de nous trois même !
JB: Oui, je dirais la meilleur voix du groupe parce qu’il peut partir dans l’aigu et dans les très graves. Musicalement c’est un mec impressionnant. Au niveau du tempérament, c’est un peu spécial quand même (rires).
Brice : Alan c’est un roc.
JB : Tu peux lui dire tout ce que tu veux et il ne bougera pas.
Brice : C’est un roc mais il est sur la lune un peu. C’est le plus autiste du groupe.
Le concept global de Billet d’Humeur vous est venu comment? Quelle est la première chose que vous avez fait ensemble ? Quelles formes avaient les prémices de Billet d’Humeur?
Brice : Les prémices de Billet d’Humeur ? Wouah c’est une bonne question !
Nous on a d’abord été à deux, puis à trois, puis à quatre. On a commencé Alan et moi, frères jumeaux. Au début on faisait d’abord de la musique pour transmettre un instrument, donc sans parole. Ensuite, on a continué d’écrire à trois avec Davy. On a eu la chance d’écrire avec Gaël Faye et Milk Coffee Sugar. Puis ensuite il y a eu JB qu’on a rencontré dans un bar et qui nous a conseillé.
Les prémices de Billet d’Humeur à quatre ce serait… Je me demande si on n’y est pas encore finalement. Parce que là, on est en train de travailler sur la suite et on voit que cela va moins dans tous les sens. Aujourd’hui c’est un peu plus brut et peut-être plus proche de ce qu’on est.
On a choisi le nom “Billet d’Humeur” parce qu’on voulait dire quelque-chose. Je pense que, par la suite, ça va plus se ressentir.
Quand vous dîtes “Brut” c’est dans quel sens?
JB : En fait, si tu fais une comparaison et que Billet d’Humeur est un chemin initiatique, on commence à arriver au bout dans le sens où on commence à être plus sûrs de nous. On arrive à ce qu’on veut vraiment délivrer aux gens. On est bien dans nos baskets, on est bien dans ce qu’on fait. On évolue. Là, maintenant, on veut enlever les barrières, donner quelque-chose qui est vraiment nous, d’où le côté brut, sans filtre.
Et musicalement cela prendra quelle forme?
Brice : Musicalement, je pense qu’à vie on sera toujours dans cette transition entre l’urbain et la pop, le populaire. Ça va être peut-être des textes assez vrais de nous, sous forme de Billet d’humeur, mais avec toujours cette musique dansante.
JB : Ce n’est pas si différent de ce qu’on fait, c’est juste que, dans ce qu’on fait actuellement, il y a une certaine pudeur qu’on a enlevée.
Et ce projet, quand verra-t-il le jour?
Brice : On pense en 2020. Aujourd’hui les artistes sont tellement productifs ! On a envie de montrer qu’on est des artistes modernes. Donc on veut sortir quelque chose en 2020.
De toute façon le plus dur pour nous était de nous trouver, de se trouver sur scène. Nous voulions un DJ, mais différent des autre DJ. On voulait être un groupe dansant mais qui peut rappeler certains Boys Band parfois, tout en apportant ce côté cool qui manque peut-être à la musique française. En France on dirait qu’on ne joue pas beaucoup du corps.
Justement sur scène vous êtes impressionnants et vous dénotez. Comment préparez-vous votre set?
Brice : Finalement, les musiques s’écrivent, et au moment de l’écriture on sait comment on va les jouer sur scène. Le plus important c’est les lives. Là on est un peu triste, entre guillemets, car si nous avions eu plus de moyens pour le premier album, on aurait produit pour qu’il soit d’autant plus puissant en live. Pour autant, il a été pensé live. Quand on est rentré en studio, il a fallu réduire les musiques. C’est pour ça que tout à l’heure nous parlions de pudeur. Certaines choses paraissent aseptisées sur l’album mais pas en live. C’est pour ça que, lorsqu’on écrit nos nouveaux morceaux, nous partons dorénavant du live. On se les joue et les gestes viennent naturellement. On ne pense pas faire des chorégraphies bien que finalement ce soit chorégraphié. C’est très proche de la culture africaine et urbaine.
Vous étiez en live dans un cirque également, pouvez-vous nous parler de cette expérience?
JB : C’était une école de danse qui organisait son gala au cirque Bouglione, le cirque d’hiver. Nous avons été invités en tant que guest. On a fait deux morceaux et c’était assez exceptionnel. On a eu la chance d’avoir Cauet dans le public et c’est grâce à ça qu’on est passé sur NRJ après. Il nous a envoyé un message deux jours après en nous disant qu’il nous avait vus et qu’il avait trouvé ça ouf. Il nous a donc proposé de venir à la radio.
Brice : On parlait justement de casser les codes. Aujourd’hui, l’artiste est un saltimbanque. On voulait le remettre à sa place. Dans la musique il y a ce côté distraction, et en même temps le côté message. Ça nous a donné des idées. Mais finalement on n’invente rien car The Doors ou même OutKast se sont inspirés de l’univers du cirque.
JB : Et même tout l’univers freak a engendré énormément de projets. Beaucoup de monde s’est inspiré de cet univers. Lady Gaga a un message très freak : “Viens moche, grosse, déformée, viens comme tu veux, on s’en fou !”. C’est freak !
Brice : C’est très Mc Donald (rires) !
Pour rester dans l’imagerie, parlons du clip d’“Hollywood”. Il est très beau mais après vos lives on s’attend peut-être à plus d’exubérance. Qu’en pensez-vous?
Brice : « Hollywood », sincèrement, c’est le clip dont on est le plus fiers. On voulait un clip qui nous positionne. Quand tu vois Billet d’Humeur, ce n’est pas facile de comprendre dans quoi on est. On voulait rappeler qu’on est des mecs de l’urbain. Pour autant, on parle d’Hollywood et ça peut très vite tomber dans un coté comédie musicale. C’était le piège à éviter pour nous.
En faisant « Hollywood », on a fait ce qu’on savait faire. On n’est pas non plus fermé à des collaborations pour aller beaucoup plus loin. D’ailleurs sur notre Instagram on collabore pour aller un peu plus loin. Le message reste coloré dans tous les cas avec Billet d’Humeur. Mais si on avait dû mettre une palette plus colorée dans un clip, cela aurait été pour “Daisy, ma couleur”. Pour “Hollywood”, on voulait mettre en avant le rêve, c’est notre Hollywood qui est décrit et non celui d’aujourd’hui que nous trouvons déplorable. C’est celui qu’on imagine.
Quel a été le morceau le plus long à créer?
JB : Justement c’est « Hollywood »
R.Can passe à ce moment-là et prend rendez-vous avec Brice à 7h30 du matin. JB dit qu’il se fera livrer à 9h dans la chambre ! On est bien dans l’ambiance du Demi-Festival où les artistes HipHop envahissent la ville pour notre plus grand bonheur.
Notre album, on l’avait écrit pour qu’il soit joué sur scène, et on l’avait réécrit après parce qu’on s’est dit « on veut sortir l’album mais qu’est-ce qu’on veut dire avec ? ». Et on a voulu refaire quelques titres. « Hollywood » a été le morceau où on a pris le plus de bouts de phrases parce qu’on a travaillé avec Polydor à cette époque. Le morceau initial faisait 10 minutes, type morceau africain. On a complètement reconstruit le titre et cela a pris un temps énorme !
Le dernier morceau à avoir été écrit c’est “Ego”, c’est peut-être pour ça d’ailleurs qu’il est plus clair. On avait grandi déjà artistiquement. “Doux village” aussi a été un des derniers titres à être écrit.
Puisque nous sommes au Demi Festival, pourriez-vous nous raconter la rencontre avec Demi Portion?
JB : Nous avons fait la première partie de Demi Portion à La Caravelle à Meaux. C’était assez impressionnant car nous l’avions vu vite fait avant la scène et il a regardé tout le show. C’est rare d’avoir un artiste qui regarde sa première partie. Il était avec DJ Rolxx sur le côté et ils ont tout regardé. Après ils nous ont dit « Ce que vous faites ça défonce ! Venez faire notre festival, le demi-festival ! ». Ça s’est fait naturellement en fait !
Brice : Ce qui était drôle, c’est qu’il a eu tout de suite une vision de nous dans son festival. Et ce que je trouve incroyable, c’est qu’il savait qu’il prenait un risque en nous mettant dans son festival. Il savait qu’on dénotait, entre guillemets. Et il l’a fait. Et, finalement, ça respecte les valeurs du festival et du HipHop. Il y a une espèce de transmission, le mec sait qu’on l’a écouté et qu’on l’écoute et il nous dit, en tout cas nous l’avons pris comme ça, il nous dit “Vous êtes la relève”. Et il nous met quand même une deuxième fois sur le Demi Festival, puis en carte blanche à l’Institut du monde arabe. Associer Billet d’Humeur à Demi-Portion, naturellement ça ne se ferait pas, mais aujourd’hui, grâce à un mec comme Rachid (prénom de Demi Portion ndlr) ça permet de faire des transitions et de casser les barrières.
Pour conclure, si vous aviez un rêve artistique dans la vie, lequel ce serait?
Brice : Un rêve artistique ? Ce serait peut-être jouer dans un gros gros festival.
JB : Non, au stade de France !
Brice : Oui, au stade de France. On fait notre musique pour la jouer dans un lieu énorme et on pense qu’on peut le faire !
JB : D’autant plus avec ce qu’on est en train de préparer.
Si vous souhaitez découvrir Billet d’Humeur en live, voici leurs prochains concerts :
- Première partie de Corneille le 31 janvier 2020 à l’Espace Lino Ventura à Torcy
- Le 7 février à Saint Peray (Ardèche)
- Le 15 mai, les 24h de l’Insa à Villeurbanne
CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :
- Rédactrice en chef adjointe et webmaster d'Extended Player. Amoureuse du rap français et des bonnes punchlines, je pilote la section rap du mag depuis que j’ai 11 ans (oui, déjà !). En parallèle, je suis communicante freelance et chef de projet web, avec une expertise en e-commerce. Toujours connectée, toujours à l'affût des sons qui parlent et qui touchent !
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