Décor posé, ambiance assurée, aurait-on envie de dire en entrant dans la salle. C’est tout un univers qui singularise LA Madeleine Proust. La génération paysanne franc-comtoise des années cinquante et soixante. Ce cinquième spectacle, qui fête les trois décennies du travail de Laurence Sémonin s’inscrit dans une chronologie logique et sans faille. Le décor en lui-même et son tissu à motif présent dès le départ de l’aventure. Le souci du détail, du meuble de cuisine en formica, à la nappe plastifiée nettoyée et pliée après la préparation du repas, des deux postes de radio réglés chacun sur une fréquence – France Inter et France Bleu, pour ne pas les citer. Le crucifix au-dessus de la fenêtre. L’horloge comtoise – ici transformée en penderie. Les cartes postales et les dessins d’enfants positionnés ici et là. Les formes aimantées sur le frigo… Rien ne manque. Mais, ce qui fait tout, au-delà de la blouse typique portée par l’artiste, c’est l’accent. Cet accent franc-comtois très prononcé, qui plonge d’office le spectateur dans la réalité de ce quotidien particulier que décrit si bien Laurence Sémonin. Le spectacle se décline un peu comme une succession de sketches. Sauf que ces derniers s’enchaînent avec le naturel du personnage en fonction de l’organisation de sa matinée. La Madeleine prépare son repas d’anniversaire pour midi. Tout est « chronométré » pourrait-on dire. La succession des « choses à faire » ne doit rien au hasard. Il y a un ordre, un calcul. La préparation des ingrédients, tenir compte des temps de cuisson, organiser en parallèle un aller-retour à Besançon par le train, appeler ceux qui devrait assister au repas de midi, lire le journal, regarder ses « mailles »… Rien d’autre que du naturel au quotidien. Mais du naturel adapté. La Madeleine vit bel et bien dans le monde d’aujourd’hui. Même si une nostalgie transpire au détour de chaque émotion provoquée, le téléphone portable, l’ordinateur, ont leur place, prétexte évidemment à déclencher le rire, mais prétexte surtout à poser un regard contrasté sur la vie que l’on mène aujourd’hui. Laurence Sémonin a ce don très agréable de savoir ne jamais être vulgaire et d’aborder sans cesse, avec la plus grande finesse, des situations délicates en soulignant les contrastes sans les alourdir. Un point fort qui fait de ce one-woman show un véritable grand moment de poésie. Même les sujets délicats ont droit à la lumineuse tolérance de l’artiste qui passe ainsi discrètement un ensemble de messages tenant plus d’une sagesse philosophique que de la simple image permettant d’avoir l’air sans faire grand-chose d’autre.
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- De l’organisation de concerts aux interviews d’artistes il n’y avait qu’un pas. Plus de vingt-cinq ans de rencontres avec les artistes et toujours la passion de la découverte.
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