Tous aux abris. On entend les sirènes… Comme à l’époque du swing… ça swingue dingue dès que les basses du piano entrent en scène, avec le frottement sensuel des balais sur la caisse claire. C’est la signature Ben Toury, ce piano traité avec amour comme savait le faire Jerry Lee Lewis. Mais au piano, Ben est à la fois la contrebasse et la guitare des Stray Cats, une sorte de Lucky Luke qui joue plus vite que l’ombre de ses doigts sur le clavier. Avec cet album, il démontre encore une fois la complétude de ses talents non seulement de musicien – il est aussi excellent harmoniciste et joue carrément tous les instruments sur certains morceaux-, mais aussi de compositeur. Un titre comme « US Happy » impose la bonne humeur dès son sifflement en introduction. C’est le rythme qui prédomine. Quoiqu’il en soit, du boogie très enlevé (« Solution Ben H.H. ») au slow le plus langoureux (« F U Love Me »), l’ambiance est au beau fixe. On se retrouve, un soir de nostalgie heureuse, assis à la table d’un cabaret où les humeurs s’épanchent dans ces mélodies grâce auxquelles on peut mettre entre parenthèse ses malheurs et entrer dans le rêve. Soudain, Ben se met à chanter en français (« Jolie Mia »), enfin, sur quelques couplets, mais ça passe comme une lettre à la poste quand elle n’est pas en grève. Et, dans le titre live « Seven Girls », on entend même des parties de chant rappé. Cela signifie tout simplement qu’avec Ben Toury, tout est possible. Et c’est bien là ce qui nous plait. L’artiste ne se cantonne pas à jouer dans un registre aux codes définitifs C’est l’ouverture qui l’intéresse. Et autant dire qu’il n’y en a pas tant sur ce territoire que l’on imaginait plutôt exigu. La preuve dans l’intro de « African Smoke » où les cordes de piano subissent un traitement particulier aux côté du saz qui apporte une couleur tout à fait inédite dans ce type de répertoire. Les morceaux enregistrés live témoignent des talents d’homme de scène de Ben Toury, de sa joie à partager avec le public son entrain (« The Toad »), entrain qu’il communique avec une énergie enthousiasmante. Avec « Diphonic Trip », Ben repositionne l’idée que toutes les musiques l’intéressent et sont à sa portée. C’est une ambiance plus proche d’un certain genre dit contemporain qui s’exprime ici, sorte de pied de nez précédant un étonnant « Lonely Park Avenue », boogie harmonisé de parties de piano proche d’un honky-tonk s’essayant à la musique classique. C’est le son qui rejoint le physique. Lorsque l’on sait que Ben est capable de jouer du piano à l’envers, ce qu’il prouve régulièrement sur scène, on ne doute plus de rien. Alors pour terminer cet album en beauté, ce sera un enlevé « Mary Jane » qui permet à chacun de ses musiciens de s’exprimer. Puis une dernière liberté musicale où harmonica, piano et beat box vont s’associer pour une originale coda retour au calme (« Reversed Fog »). Ni Elvis, ni Jerry Lee, ni Chris Isaac, juste Ben Toury. Pas difficile à retenir.
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