Pour suivre Dominique Dalcan depuis le début des années 90, autant dire que l’artiste est quelqu’un de tout à fait imprévisible. Lors d’une interview, à cette époque, il avait avoué être satisfait de son travail uniquement lorsqu’il sentait que celui-ci se détachait de toute forme de déjà entendu. Il fallait que la matière artistique soit dotée de son lot d’exclusivité, qu’à l’écoute elle n’apparaisse pas comme le copié-collé d’une autre chanson, mais disposant d’élément nouveau lui donnant son utilité, sa raison d’être. Justement, ses chansons, il savait les habiller à sa façon, les magnifier grâce à des arrangements orchestraux singuliers et remarquables pour l’époque. Beaucoup se sont engouffrés dans la brèche ensuite. Alors il a continué de chercher. Sous le nom de Snooze, la tentation électro s’est rapidement imposée, sans l’empêcher de revenir à la chanson. Avec le projet « Temperance », dont il présente ici le deuxième volet, Dominique Dalcan, s’il semble prioriser une musique très électro, construit des titres que l’on pourrait aussi bien apparenter justement à la chanson. Il chante en anglais désormais. Ce qui lui permet de faire évoluer sa voix dans des registres inhabituels, ce qui n’était pas forcément possible avec le français. Cet album mérite qu’on l’écoute au casque, tant les détails fusionnent vers une osmose combinant chants – exemple avec « done enough for your man », qui démarre l’album, et ses chœurs ou son langage parlé introductif – voix croisées, superposées -, et le flottement gracieux des tentations synthétiques qui se posent ou survolent les phrases en imposant une consistance aérienne et scandée. Variété du chant, très pointu et émotionnel sur « seeking for you », titre hyper planant, plus grave puis élancé sur « come on yeah » et son séquencer ensorcelant. Toutes les ambiances captivent par leurs constructions paradoxales, mêlant des nappes profondes élaguées par une scansion rythmique dépaysante (« surabaya »). Magnifique « into the woods » sculpté par ce qui doit être une clarinette contrebasse, colonne vertébrale du titre, agrippant les tripes. Généreuse impression avec ce disque d’entrer dans un univers de science-fiction. Un univers sonore au paroxysme des possibles (splendide et extra-terrestre « melt together »), tout à fait bienvenu à l’heure où le monde accède à un niveau visuel supérieur avec ces images vues de l’espace à la splendeur quasi délirante. De quoi nous rendre à la conscience : nous ne sommes que des grains de poussière. Mais ces grains, dotés d’émotions, de sentiments, malgré leurs positions minuscules, parviennent à transcender encore et toujours, par la musique, cet extraordinaire flux vital qui coule dans les veines de l’humain. « women running down the hill », sans un mot, l’exprime à merveille. Et « Temperance #2 » de se conclure avec un «sublime « whatever she wanted », où l’on devine que l’artiste, qui vit dans une époque où la notion de respect fait aujourd’hui encore débat, ne manque pas d’y impliquer sa personnalité en glissant de subliminaux messages.
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