En octobre dernier, ils fêtaient les 20 ans de l’album « Hier, aujourd’hui, demain » avec une date marseillaise ainsi qu’une date parisienne. Le concert était émouvant, on vous l’avait d’ailleurs raconté (lien vers l’article). À l’époque, Boss One nous avait livré quelques informations au sujet du futur album de ce groupe emblématique. Puis, on l’a recroisé peu de temps avant le confinement. Il nous a parlé des featuring : certains en jettent et d’autres choquent. Il y aura notamment Soprano & Ali de 45 Scientific. L’annonce d’autres noms a surpris les quelques personnes qui avaient pris part à la discussion. Effectivement, on n’est pas prêts. Ces infos ne peuvent pas toutes être dévoilées, mais il y en a certaines que l’on peut dire. Elles sont évidemment présentes dans l’interview qui suit.
Avant de parler du futur de 3e œil, revenons sur ces dernières années. Il y a eu le dernier album en 2002, mais vous n’avez pas été inactifs par la suite. Il y a eu des projets, notamment sur ta chaîne YouTube, pourrais-tu nous en parler?
En fait, il y a eu une période où l’on a été très actifs et une période pendant laquelle on était peu présents. Mais dans cette période, il y avait tout de même quelques sorties, notamment en solo. J’ai essayé de faire un concept qui s’appelle « Brav’Art » et le délire était de faire des combinaisons avec quelques artistes.
Je me suis assis et je me suis posé la question de savoir comment revenir sans pour autant faire des choses qui me déplaisent fortement. Comme je ne suis pas très présent sur internet, je me suis demandé comment faire avec l’avènement de tout ça. Finalement, la bonne combinaison serait de repartir comme à l’ancienne, donc avec le partage : partager du son avec d’autres artistes. Cela permet d’acquérir une certaine visibilité dans le sens où chaque artiste présent sur le projet à sa fan base. C’est bénéfique pour tout le monde.
J’ai finalement mis ce projet en stand-by puisqu’on est reparti sur la route avec 3e Œil. Pour moi c’était plus important de remettre en scène 3e Œil plutôt que ce projet-là.
Et du côté de Mombi, est-ce qu’il y avait des projets?
Mombi avait commencé à bosser sur un projet solo. Il écrivait de son côté et puis, comme moi, il l’a mis en stand-by pour se concentrer sur le groupe.
Est-ce que ces projets vont tout de même être finalisés un jour?
Complètement oui. Ce qui m’a toujours plu dans le rap, c’est le partage. Brav’Art m’a permis de travailler avec des artistes que je connaissais peu. Je les connaissais artistiquement, mais pas forcément humainement. Ça a également renforcé des liens avec Demi Portion ou l’Hexaler et Mystik par exemple. Oui, ça permet de renforcer ou de nouer des liens.
Le travail sur le nouvel album de 3e Œil a démarré avec New Castle, et maintenant Arachnée. Pourrais-tu nous raconter comment s’est passé la rencontre avec Alban et le début de toute cette histoire?
Alban, je l’ai connu par le biais d’un artiste qu’il manageait : Blacky Black. Ensuite, il m’a ramené chez lui vers Saint-Maximin. J’ai rencontré un jeune fougueux, très dynamique qui avait l’envie. Il faisait un peu… je ne vais pas dire « tâche » dans le décor, mais très atypique. Il n’est pas forcément dans le game « wesh wesh yo », mais plutôt quelqu’un qui est posé. Au début, à première vue, il ne paie pas de mine. On peut avoir tendance à le sous-estimer même. Ensuite je l’ai vu évolué. On a commencé à discuter de travail et j’ai fini par en parler à Mombi . On a ensuite testé des choses avec New Castle d’abord, puis après avec Otaké. Alban nous avait proposé des dates et avait des idées à mettre en place. Cela a pris et fonctionné, non sans mal, car nous sommes sur un retour. Ce n’est jamais évident. On a fait beaucoup beaucoup de dates. Ça nous a permis de repartir sur la route. On a commencé par des petites scènes puis ça a ensuite grandi. On s’est retrouvé dans une dynamique plutôt cool. Et comme Alban est passé chez Arachnée, on y est allé aussi. Voilà où nous sommes aujourd’hui et l’aventure continue.
Il y a quelques mois tu avais commencé à me parler des morceaux qui seront présents sur le futur album, notamment d’un morceau très storytelling par exemple. Ça m’avait vraiment donné envie de le découvrir. Pourrais-tu nous en parler, cette fois-ci pour le magazine?
C’est un album qui, musicalement, diffère de ce qu’on a fait précédemment. Par exemple, nous avons bossé avec L’Adjoint. Il a fait quelques morceaux de l’album. Cela a amené un certain délire, une certaine ouverture. Sinon c’est très cinématographique. Par exemple si on prend « Vue sur la mer », ça raconte l’histoire de ceux qui ont une vue sur la mer et en même temps sur la merde. On a fait le parallèle entre cette vue soleil, mer, plutôt cosy et pépère et une vue sur la merde avec tout ce qui se passe dans cette ville et ses quartiers.
On a aussi beaucoup de thématiques différentes sur lesquelles on a essayé de travailler. L’album est honnêtement assez riche. On a un titre avec Red.K et Davodka (lien vers son interview), je pense que c’est un des meilleurs titres de cet album.
Justement, au niveau des featurings, comment ont-il été choisi?
Il n’y a pas un artiste de l’album qu’on ne connaît pas personnellement. Effectivement Davodka on le connaît un peu moins, mais on le connaît tout de même puisqu’on a le même tourneur. On était avec Alban au même moment, donc on s’est souvent rencontré. On a fait une scène ensemble et lorsqu’il descend sur Marseille, on se voit. Red.K c’est un ami, Rachid (Demi Portion), c’est pareil. On ne passe pas deux mois sans se voir. On a aussi fait des dates ensemble et le rendez-vous annuel c’est le Demi-Festival (lien vers le report de la dernière édition). Il n’y a pas une année où nous ne sommes pas allés à ce festival.
Et l’album, comment a-t-il été conçu?
Initialement on s’était donné des deadlines à respecter, mais on n’y arrive jamais. Il y a toujours des imprévus. La date initiale pour boucler l’album était en octobre, puis novembre, puis on verra. Cela fait maintenant 7 mois que nous sommes dessus.
Si on compare avant, aujourd’hui on travaille différemment. On a, par exemple, fait appel à Akino (lien vers son interview). Il a apporté une certaine vision à l’album puisqu’il a fait toute sa direction artistique.
Chaque morceau a été conçu en deux étapes. La première : bosser l’instru avec le beatmaker. La deuxième : se mettre en mode boulot dans un studio pour travailler l’écriture. Nous étions au Labo Klandestino (lien vers l’interview de Labo Klandestino). Et les voix def, on les fait chez Skary, à Aubagne, à Homy Records (lien vers l’interview de Skary). Et en ce moment, les derniers titres ont les faits chez Mourad (L’Adjoint), à Beat Bounce.
Ensuite, une seule et unique personne gérera la cohésion de l’album, le mix et le mastering.
Pour moi, 3e Œil est un groupe engagé. Tu l’es aussi à titre personnel puisqu’on s’est croisé plusieurs fois lors de manifestations. Est-ce que, dans cet album futur, cette part d’engagement sera présente?
Les choses sur lesquelles je me bats de plus en plus, sans avoir de solution, c’est la situation des migrants, toute cette jeunesse qui débarque ici. On se rend compte que notre morceau « Eldorado », fait il y a 20 ans, est de plus en plus d’actualités. Ces histoires me paraissent très compliquées et je suis toujours partant pour défendre cette cause. Ensuite, il y a toute cette misère qui nous entoure. C’est malheureusement quelque chose qui sera présent dans les thèmes, mais on ne va pas non plus se cantonner à ça.
Les 20 ans de «Hier, aujourd’hui, demain» sont fêtés à l’Espace Julien. Est-ce que tu pourrais nous raconter tes deux meilleurs souvenirs dans cette salle?
Mon meilleur souvenir c’est le premier concert en février 99. Je m’en rappelle comme si c’était hier. C’est mon meilleur souvenir parce qu’on avait conçu un projet dans nos têtes, qu’on l’avait enregistré et qu’il fallait le défendre. On était arrivé au stade où si tu le défends sur scène, c’est que tu es arrivé au bout de la chose.
Ensuite, pour le second souvenir, je dirais que c’était Mobb Deep. Et si je dois parler d’un fais marquant, c’est le concert de Gang Starr, de Guru. Les mecs sont arrivés en car à Marseille. Ils venaient de faire de l’argent grâce à d’autres scènes, en Allemagne notamment. Ils sont arrivés en mode trop Lay Back, à la cool. Ils se sont fait péter le car et voler tout l’argent de la tournée. Ils étaient en folie. Je voyais Guru, paie à son âme, qui courait devant l’Espace Julien en folie furieuse avec son manager et son garde du corps.
Pour finir, si on doit garder une rime en tête de 3e Œil ce serait laquelle?
Pour moi ce serait dans un morceau qu’on a beaucoup défendu et qui nous a plutôt servi parce que, dès qu’on montait sur scène et qu’on faisait ce truc, les gens devenaient très attentifs et fiers. C’est « Scrute le terrain ». Quand on arrivait sur scène et qu’on disait « 3e Œil scrute le terrain sans pitié » et qu’on finissait par « Marseille et sa production Signore », même les gens qui n’étaient pas marseillais, même lorsqu’on jouait à d’autres endroits en France, il y avait un tel engouement pour Marseille que cette partie-là plaisait vraiment. Donc si on devait retenir quelque chose, ce serait ça.
Merci à Boss One pour le temps qu’il m’a accordé, et merci à Phot’Olive pour sa splendide photo!
CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :
- Rédactrice en chef adjointe et webmaster d'Extended Player. Amoureuse du rap français et des bonnes punchlines, je pilote la section rap du mag depuis que j’ai 11 ans (oui, déjà !). En parallèle, je suis communicante freelance et chef de projet web, avec une expertise en e-commerce. Toujours connectée, toujours à l'affût des sons qui parlent et qui touchent !
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