Dispersez-vous ralliez- vous P. Djian

 

 

Parler du style avant l’histoire. Dès ses premiers romans, l’auteur focalisait avec insistance sur ce point, son importance. Avant toute chose, l’écrivain se doit d’avoir un style. Philippe Djian a tenté des variatons et mis au point des types d’écriture soumis à de nouvelles règles établies au préalable de ses différents récits. « Dispersez-vous, ralliez-vous ! » revêt à son tour une forme très définie, légèrement déstabilisante pour le lecteur dès les premiers paragraphes. Il suffit cependant d’appréhender l’effet technique pour poursuivre en restant à l’aise dans cette lecture. Comme comprendre de quel personnage il est question n’est jamais une évidence au début d’une phrase, cela ajoute à l’atmosphère du roman présenté comme la chronique d’une émancipation borderline, celle de Myriam, l’adolescente introvertie, dont le destin va se forger sous les mouvements qu’impulse le hasard des rencontres. Et le style, jouant avec les personnages, va de pair jouer avec le temps. La froideur et l’indifférence de Myriam, à l’égard de sa famille, son père qui va disparaître, son frère au cheminement douteux, sa mère qui réapparaît, et même vis-à-vis de sa propre fille. L’ambigu détachement, le dénuement de sentiments, ce lien étrange avec son mari, ce rapport au milieu professionnel – artistique. Sur la durée, les années vont passer sans que l’on s’en rende vraiment compte, alors qu’à leurs manières, les liens ténus vont gagner doucement en consistance, pour confirmer le « ralliez-vous » souligné par le titre. Philippe Djian ne conte pas une analyse familiale, une recherche d’éléments qui aboutiraient à une compréhension. Son écriture est celle d’un romancier profiler. Il est à l’intérieur de ses personnages. Il faut passer avant tout par le ressenti, avancer dans les intrigues par le dedans, celui de l’instant présent de la narration. Alors bien sûr le lecteur va manquer d’éléments. C’est précisément ici qu’est la force des œuvres de Philippe Djian. Dans ces espaces où l’évidence repose en permanence sur un ensemble de questions. Et comment, grâce à la forme stylistique, cet art réussi du maintien en haleine du lecteur ne doit rien à personne d’autre qu’à son auteur.

 

Philippe Djian portrait

CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :

Marc Sapolin
De l’organisation de concerts aux interviews d’artistes il n’y avait qu’un pas. Plus de vingt-cinq ans de rencontres avec les artistes et toujours la passion de la découverte.

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