Plutôt qu’un long discours, une grande histoire. Un album concept comme une pièce de théâtre. « Second Tour » porte bien son nom puisqu’il est le second volet de l’entreprise Frère Animal, un collectif formé autour de Florent Marchet, le musicien, et Arnaud Cathrine, l’écrivain. Et « second Tour » correspond à celui des élections présidentielles à venir. Un disque allégorie qui se fait analyse d’une époque trouble et inquiétante, la nôtre. Cela résonne encore plus après le 9 novembre 2016, jour des élections présidentielles américaines. Pourtant, c’est bel et bien de la France dont il est question. Plutôt que de tenter de remettre au goût du jour une chanson contestataire, ce projet développe les fondations sur lesquelles peuvent naître tous les extrémismes, le pourquoi, le comment, le danger. Chaque personnage a une place déterminante, puisque de ces « rôles » découlent l’évolution des attitudes et des décisions. Une heure où les rêves se dissipent et se transforment en espoirs-désespoirs. Il y a des textes dits, d’autres chantés, et toujours mis en musique de façon absolument sublime et prenante par Florent Marchet, incroyable chef d’orchestre. Si la tension monte, tout au long de ces vingt-trois titres, l’émotion est elle aussi au rendez-vous (« Lettre de l’Animal », « Messages Personnels », « Quand Tu Dors »). Valérie Leulliot, égérie d’Autour de Lucie, et Nicolas Martel du groupe Las Ondas Marteles, mais aussi comédien et danseur, complètent le binôme de base de Frère Animal. Et Bernard Lavilliers (« Je Te Dois Tout »), ainsi que François Morel, complètent l’équipe sur ce disque. Une œuvre d’urgence qui, grâce à son subtil « emballage sonore », ne sombre jamais dans la caricature, même si elle se permet de l’approcher, façon réalité (« Le Marché »), mais pénètre dans nos mondes intérieurs tortueux et insensés parfois. Une plongée dans un univers d’injustices où, lorsque l’on besogne tout en bas de l’échelle (ici, l’usine La Sinoc / Société Industrielle Nautique d’Objets Culbuto), et que brille tout devant l’espoir d’une vie meilleure, peu de moyens permettent finalement d’échapper au mauvais sort. Faut-il parler d’erreur lorsque ce que l’on appelle la délinquance s’empare d’une jeunesse désabusée, prête à tout pour tenter de changer le destin ? Ce disque ne propose pas de solution, mais il démontre avec ferveur comment il devient finalement assez facile d’incliner les pensées désabusées vers des objectifs sordides, orduriers, voire abjects. Heureusement persiste un lien ténu avec l’espoir. Une confrontation permanente entre le bien et la mal, grâce au soutien des proches qui, tant bien que mal, ne lâchent pas le morceau. Lorsque se referme ce « Second Tour », soit juste avant les résultats du premier (tour des élections), chacun aura pu réagir, au travers des différentes scènes, être touché, et, peut-être, avoir compris quelques mécanismes obscurs qui font que le monde aura toujours cet insidieux mal à tourner rond.
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