Bertrand Belin, le guitariste-chanteur dont on parle beaucoup ces jours-ci, suite à la sortie de son excellent album « Persona », est aussi écrivain. Ce troisième roman, paru chez P.O.L, complète la richesse artistique du personnage. Ce qui étonne, lorsque l’on connaît l’auteur-compositeur-interprète et la parcimonie tranchante et directe de son écriture, transpire dans cette forme répétitive que l’on prendrait volontiers pour un exercice de style. Dix petites lignes de présentation sur la quatrième de couverture, qui semblent délayées tout au long de ces cent soixante-dix pages, créant une forme d’attente illusoire d’un dénouement que l’on espère insolite. On pense à Philippe Djian, ses écrivains personnages de roman en quête obsessionnelle de style, comme impératif nécessaire à la reconnaissance du statut d’auteur. Pourtant, dans le détail dont la précision atteint le niveau d’excellence, on entend Bertrand Belin fouiller au fond de l’âme humaine, dans ses recoins les plus intimes, l’expression de la vie, telle qu’elle est, et non telle qu’elle devrait être. Chaque individu décrit représente une catégorie caractérielle spécifique. Les deux frères, le récemment promu et l’artiste, sont comme le symbole d’une société en perdition, qui n’a jusqu’ici rien fait d’autre qu’opposer vanité et rêverie/utopie. Impression d’écouter une histoire qui se passerait à la fin du XIXème ou au début du XXème siècle, dans une ère industrielle et ouvrière, là où les fondations d’un déclin économique se consolidaient. Epoque parabole ou miroir d’aujourd’hui. Qui écoute qui ? Qui comprend quoi ? Quel est le poids de la rumeur ? Comment vivre avec le doute ? Faut-il culpabiliser ? Bertrand Belin creuse dans ces rouages qu’il décrit avec concision. La répétition n’est finalement rien d’autre que l’expression de ces tourments intérieurs obtus et persistants qui troublent le quotidien. Mais un quotidien trouble parce que nous le troublons nous-même. La finalité de cette fable ricane en reconnaissant que tout cela n’a servi… à rien, que le bourrichon se monte sur cette cruelle stupidité qui veut que nous nous valorisions en infériorisant ce et ceux qui nous entourent. Ne serions-nous pas justement, ces grands carnivores que l’on cherche partout ?
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