Certains diront qu’il fait du rap sans être rappeur, pourtant il l’est. Dooz Kawa est l’artiste à la plume si spécifique : il crache des métaphores poétiques teintées de quotidien dans lesquelles les clichés n’existent pas. Son angle de vue diffère, sa forme et son public aussi.
Dooz Kawa, c’est un personnage. On est habitué à l’écouter rimer sur les causes et conséquences des sentiments, sur la vie, l’avenir, le passé. Aujourd’hui, il vient nous parler de tristesse gaie avec « Nomad’s Land », son cinquième album. « Nomad », puisqu’il nous offre un voyage spirituel et philosophique. C’est un voyage à la Dooz Kawa, entre coupé des interludes de Dorian Astor, maitre de conférences international et expert européen de Nietzsche. On y trouve aussi les mandolines de Vincent Beer Demander qui donne cette touche mélodique si distinctive aux chansons de l’artiste. L’album est également un lieu de rencontre, puisqu’on y trouve Gaël Faye, Davodka, Swift Guad, Degiheugi, Shantel.
Ce soir, Dooz est en concert au Moulin, à Marseille. Il affiche complet. Ce ne sont pas les jeunes en casquette jogging qui s’amassent devant la salle. On y croise plutôt des plus âgés, aux airs anarchistes et rebelles, à l’image du poète qu’ils sont venus voir. Nous nous baladons au gré de ses différents morceaux, ceux qu’on connait déjà par cœur, et ceux qu’on découvre en live. La foule est conquise, heureuse.
Quelques jours avant, on a voulu savoir comment ce lyriciste a conçu son dernier album. Lors d’une interview, il nous raconte l’accouchement de « Nomad’s Land » :
La dernière fois que nous nous étions vus (lien vers l’interview précédente) , nous avions abordé le distinguo entre l’artiste et l’humain. Vous nous aviez confié que, paradoxalement, en sortant de scène, un artiste quel qu’il soit, n’abandonne jamais vraiment le personnage qu’il s’est créé. Aujourd’hui vous revenez avec un titre qui dit « être artiste ce n’est pas très sain« . On imagine que vous avez tergiversé sur l' »être » artistique. Quel est maintenant votre point de vue ? Et, Si on jouait au jeu des sept différences entre Frank et Dooz Kawa, qu’elles seraient-elles?
Dooz Kawa peut se permettre des libertés dans la société que Frank ne peut pas prendre, mais l’impact de Dooz kawa, étant mon alter ego enchainé, il a tendance à chaque jour briser un peu plus ses chaines et me mettre un peu plus en danger dans ma vie naturelle. J’imagine chaque jour d’avantage qu’il n’y a pas de différence entre l’artiste et l’être humain, même si pour moi, l’être humain imagine à tord, maîtriser l’artiste.
En parlant d’enfant, vous venez d’accoucher d’un nouveau projet intitulé « Nomad’s Land » ? Pouvez-vous me le présenter et nous raconter comment s’est passé la mise au monde ? Les contractions étaient-elles difficiles ? Longues ?
Chaque naissance est difficile et douloureuse, petit doute petit éveil, grand doute grand éveil.
Y a t’il eut un élément facilitateur telle une péridurale pour procéder à l’accouchement en minimisant les douleurs ?
La confiance et l’amour de mon entourage, l’implication des proches dans ce projet comme Degiheugi, Nano, Dahko, Vincent Béer Demander. Quand on est assailli de doutes, avoir les encouragements des artistes que l’on estime, c’est important.
Cette mise au monde a donc permis de faire naître 13 morceaux. Il y en a forcément qui ont été plus dur à concevoir ? Lesquels vous ont donné du fil à retordre ?
Difficulté et douleur ne sont pas diamétralement opposés, certains morceaux ont été douloureux mais rapides à créer, d’autres plus long mais pour des raisons techniques. Mais en terme de naissance, j’aime chacun de mes bébé.
Vous semblez être un adepte des relations frivoles. On voit que pour cette naissance il a fallu s’acoquiner avec plusieurs personnes, notamment différents beatmakers. Quels sont-ils et quelles relations entretenez-vous avec eux ? Est-ce des relations de longue durée ou du one shot ?
Parfois on se promet que nos relations sont uniquement textuelles et que l’on s’oubliera au premier morceau, puis l’amour fini par gouverner notre condition et nous nous promettons de ne plus nous quitter.
Et pendant l’acte ? Vous gratter la feuille avec hésitation ou vous êtes plutôt à la combler avec passion ? Et la première rencontre avec la prod ça se passe comment ?
Les premiers rapports peuvent être spontanés mais maladroits, bourrés de fantasmes à assouvir, puis on s’apprivoise et on essaie de se faire plaisir mutuellement, et cela devient de plus en plus passionnel. Mais attention car la passion consume.
Vous avez aussi opté pour des plans à trois. Comment avez-vous choisi vos partenaires (featurings avec Swift Guad & Davodka, Gaël Faye & Dorian Astor) ? Vous semblez en côtoyer certains depuis longue date ? Saviez-vous déjà comment vous alliez enlacer la prod avant même dans avoir discuté avec eux ?
Les connaissant, je les ai laissé s’abandonner à toutes les libertés de leurs fantasmes, il s’agissait de places intimes que je ne pouvais donner à n’importe qui. Quand on les a choisi, c’est pour les laisser être eux même.
On sait bien qu’entre ses enfants on ne doit pas faire de préférences mais, en toute honnêteté, y a-t-il un vilain petit canard, un que vous souhaitez moi trimbaler sur scène ? Et a l’inverse, un que vous avez envie de présenter avec fierté ?
Je suis le vilain petit canard et chacun de mes enfants m’aide à m’accepter moi même, il ne revient pas à eux la responsabilité de ma propre psychologie, ils sont nés et n’ont rien demandé avant de venir au monde.
En parlant d’enfants, il y en a un bien réel, qui vous inspire et vous fait aborder avec émotions des sujets tels que l’environnement familial, le statut de père, etc. Est-ce que, au-delà de ces aspects, sa perception et son regard vous permet d’ajouter un peu d’innocence dans vos textes ?
Je crois que je me bas contre l’effet négatif que pourrait avoir la musique sur son avenir. J’essaie d’apporter de la positivité réelle et sincère, sachant qu’un jour il écoutera mes textes, pour que cela soient des atouts plutot que des handicaps. Par la recherche de bonheur que j’essaie de lui apporter, mon fils me rend meilleur.
Et pour finir, puisque vous êtes en concert ce soir à Marseille, pouvez-vous nous parler de cette ville ? Elle est citée dans de nombreux titres, apparaît dans « les rues de ma vie », vous vous étiez également engagé lors du concert en soutient a Noailles, et vous avez 13 morceaux dans « Nomad’s Land ». Quelle est votre relation avec la cité phocéenne et qu’en est-il de Strasbourg?
Marseille est la seule ville dans laquelle je pourrais vivre désormais et Strasbourg c’est le sang pour toujours. Il faut savoir parfois s’éloigner pour se reconstruire ailleurs… avoir le courage de se perdre pour se renaître.
CET ARTICLE A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR :
- Rédactrice en chef adjointe et webmaster d'Extended Player. Amoureuse du rap français et des bonnes punchlines, je pilote la section rap du mag depuis que j’ai 11 ans (oui, déjà !). En parallèle, je suis communicante freelance et chef de projet web, avec une expertise en e-commerce. Toujours connectée, toujours à l'affût des sons qui parlent et qui touchent !
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